Proposition de loi tendant à la détermination des conditions juridiques de l’exercice de la profession d’artisan boulanger

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,
Il est des symboles qu’il faut préserver et des évidences qu’il est parfois bon de rappeler. Le pain reste ainsi un élément emblématique de notre patrimoine culturel. Si la culture est surtout évoquée dans le sens de l’élévation de l’esprit, n’oublions pas que la culture, c’est aussi ce qui forme l’ancrage dans un sol, un territoire, des mœurs et des techniques. Il serait bien difficile, et sans doute impossible, de dresser de façon exhaustive une liste des éléments constitutifs de la culture française. Elle se nourrit d’événements et de valeurs, mais aussi de choses apparemment simples. Elle se nourrit du pain.

Député du Faubourg Saint Antoine, je suis particulièrement sensible à la vie des artisans qui allient au quotidien tradition et modernité. Ce sont ces métiers traditionnels, dont le savoir-faire se transmet de génération en génération, dont l’inventivité fait la force et qui sont à la source de la vie des quartiers comme des villages. Ils participent très concrètement à l’aménagement du territoire, qu’il soit urbain ou rural, et ils contribuent aussi bien au développement économique qu’à la préservation du lien social.

Parmi ces acteurs du quotidien et de la proximité, l’artisan boulanger tient une place particulière. Il est celui auquel tous s’adressent, spontanément, chaque jour. Le commerce artisanal de la boulangerie est un lieu de rencontre quotidien, où se tissent si naturellement les relations humaines. C’est aussi le lieu de la découverte et de la formation, tant l’apprentissage y a une place privilégiée.

C’est cette économie, si proche des gens, qui ne doit pas avoir à souffrir des effets non maîtrisés du libre jeu du marché. Il est donc de notre devoir de protéger par la loi l’exercice de cette profession. Les artisans boulangers ont la volonté et la capacité de donner de l’avenir à leur métier. A nous de leur en donner les moyens.

Cela passe par les garanties juridiques que cette proposition de loi apporte.

A la suite de la requête du Syndicat national des Industries de la Boulangerie, la décision du Conseil d’Etat du 8 décembre 1997 a annulé l’arrêté du 12 décembre 1995 pris par Monsieur Jean-Pierre RAFFARIN. Ce texte visait à réglementer l’appellation et l’usage de l’enseigne de boulangerie et à le limiter aux établissements artisanaux, tenus par un professionnel assurant lui-même, à partir de farines choisies, les différentes phases de fabrication de pain : il s’agit de tout cet ensemble que constituent le pétrissage, le façonnage de la pâte, la fermentation et la cuisson sur le lieu de vente.
Cet arrêté répondait aux attentes des artisans boulangers face aux exploitants des terminaux de cuisson utilisant des pâtes surgelées. La décision du Conseil d’Etat s’explique logiquement par le fait que l’arrêté de 1995 ne se fondait sur aucune loi ou texte pris en application d’une loi. De fait, il revenait à la Représentation nationale de se saisir de la question, afin de combler un vide juridique préjudiciable pour toute une profession. Ainsi, la proposition de loi permet-elle de reconnaître enfin la spécificité de l’artisanat boulanger. Et je tiens à saluer tout particulièrement le travail de notre excellent rapporteur.

Protéger le boulanger, c’est aussi promouvoir la qualité et servir le consommateur. Par l’appellation, par l’enseigne, par l’assurance de la qualité et de la différence, le consommateur pourra identifier le produit. La distinction sera claire entre produits industriels et produits artisanaux, entre produits congelés et produits frais. L’origine du produit et ses conditions de fabrication doivent être transparents. La qualité doit primer.

Longtemps considéré comme un élément de consommation inférieur et de dernier recours à des époques difficiles, le pain est devenu aujourd’hui un élément central d’une alimentation naturelle, qui s’enrichit des innovations les plus diverses. Le pain est plus que jamais la base du plaisir culinaire, le symbole de la table et l’emblème d’un artisanat dont la pérennité est essentielle.

De grâce, que le boulanger ne se plie pas à son époque, qu’il préfère toujours le bon, le beau et l’original à la standardisation et à l’uniformisation.
Je me félicite, avec mes collègues du groupe socialiste, de soutenir aujourd’hui une initiative parlementaire qui permet non seulement de défendre, mais surtout de promouvoir la qualité du pain et le métier qui nous en offre la saveur.