Violences au sein du couple – Mariages forcés

Discussion générale (13 décembre 2005 – 1ère séance)

Monsieur le Président,
M
adame la ministre,
Monsieur le garde des sceaux,
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues,

après Mme la rapporteure de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, Valérie Pecresse, je souhaiterais revenir sur les propositions de la mission concernant les mariages forcés. Je me réjouis qu’après l’adoption à l’unanimité, cet été, des cinquante-deux propositions tendant à réformer notre dispositif de protection de l’enfance nous soyons une nouvelle fois rassemblés pour proposer à notre assemblée un dispositif cohérent de lutte contre les mariages forcés.
Lorsque nous avons adopté ce dispositif, nous n’imaginions pas obtenir aussi rapidement un support législatif.
Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Comme quoi ! Mais je vous remercie de le souligner !
Nous sommes satisfaits que force de loi soit donnée, avant que même que ne s’achèvent les travaux de la mission, aux propositions collectivement formulées pour lutter contre cette pratique dont sont victimes sur notre territoire des jeunes filles, parfois, des jeunes hommes mariés de force à des personnes inconnues ou à des membres de leur famille élargie, souvent à l’occasion de vacances dans le pays d’où leurs parents sont originaires. Dans sa sagesse, le Sénat a donc souhaité relever l’âge du mariage à dix-huit ans.
Je ne reviendrai pas longuement sur le dispositif proposé.
Les deux axes majeurs de cette proposition tendent, d’une part, à renforcer les formalités relatives à la célébration et à la transcription du mariage et, d’autre part, à faciliter les demandes de nullité du mariage pour vice de consentement.
Il s’agit, tout d’abord, de contrôler le vice du consentement qui n’est pas visé explicitement par le code civil, contrairement à l’absence de consentement. En tant qu’officiers d’état civil, nous savons ce qu’est une absence de consentement. Si, à la question : « Consentez-vous à prendre pour époux ou pour épouse telle ou telle personne… » la réponse est « non », il y a absence de consentement ; l’officier constate alors que le mariage ne peut être prononcé.
Nous avons également souhaité assouplir la réalisation des auditions, donc élargir le champ des délégations. Cela a fait l’objet d’un débat utile au sein de la commission des lois qui a qui a conduit à la rectification de l’amendement proposé par Valérie Pecresse.
Je vous en remercie, monsieur le rapporteur, je connais votre contribution en ce domaine ! Le groupe socialiste votera, par conséquent, cet amendement.
Il s’agit, enfin, de tirer les conséquences de la demande de sursis à la transcription. Sur ce point, le groupe socialiste est plus réticent. Alain Vidalies s’est d’ailleurs exprimé sur ce sujet. Nous aurions souhaité partir du refus d’une audition par les futurs époux plutôt que de l’absence d’audition. Cette différence est essentielle. La discussion des amendements nous permettra, peut-être grâce à l’adoption d’un sous-amendement, d’apporter une clarification.
Pour faciliter les demandes de nullité du mariage pour vice de consentement, au-delà de l’élargissement des possibilités d’action du procureur de la République pour attaquer un mariage contracté sans le consentement libre des deux époux, il est essentiel d’allonger de six mois à deux ans le délai pendant lequel l’un des conjoints peut présenter sa demande, dans le cadre d’une cohabitation continue.
Par ailleurs, nous avons souhaité rendre illégitime la contrainte résultant de la crainte révérencielle envers les parents que prévoit l’article 1114 du code civil, nous souhaitons que cet article ne s’applique plus au mariage.
Cela étant, même si elles sont adoptées, de telles dispositions ne sont pas suffisantes. Il faut des mesures d’accompagnement et les représentants des associations que nous avons auditionnés au sein de la mission d’information nous ont parlé notamment de l’accueil et de la création de lieux d’écoute et de solutions d’hébergement adaptées aux personnes menacées ou victimes de mariages forcés. Il est également indispensable d’accomplir tout un travail de sensibilisation, qui pourrait assez légitimement commencer à l’école.
Enfin, la mission d’information n’a pas souhaité que le mariage forcé soit pénalisé. Nous avons estimé, après avoir entendu les représentants des associations les plus pertinentes sur la question, que nous risquions un effet contre-productif, de jeunes femmes contraintes de se marier pouvant avoir quelque réticence à traîner leurs parents ou certains membres de leur famille devant les tribunaux. Nous avons fait le choix de la responsabilité mais aussi de l’efficacité.

Explication de vote(15 décembre 2005 – 1ère séance)

commencerai par intégrer dans mon explication de vote ce que je souhaitais dire, dans la ligne de M. Baguet et de Mme Billard, en réponse à la modification du titre proposée par le rapporteur.
La proposition de loi dont se saisit notre assemblée, et que nous devons à l’initiative des sénateurs socialistes et communistes, nous permet de traiter enfin dans cet hémicycle des violences faites aux femmes au sein du couple. À la fin d’un débat entièrement consacré à cette question, notre rapporteur nous propose des amendements opportuns, visant à la répression de la pédopornographie et du tourisme sexuel, et prévoyant notamment l’intégration d’un texte européen que nous approuvons à l’unanimité parce que nous souscrivons à sa logique répressive.
Je comprends, monsieur le rapporteur, la démarche qui vous fait souhaiter que le titre évoque tous les sujets abordés par la proposition de loi que nous examinons, mais je voulais tout à l’heure vous proposer de retirer votre amendement en ce sens. Je regrette qu’il ait été adopté.
Pour le reste, je serai bref, car la vente à la découpe est un sujet important et je ne souhaite pas que notre assemblée prenne du retard pour en débattre, dans l’espoir que la proposition de loi qui lui est consacrée sera adoptée en seconde lecture ce matin même.
Pour faire écho à l’amendement présenté par Mme Jacquaint, je tiens à dire, au nom du groupe socialiste, notre regret quant à la méthode choisie par le législateur pour légiférer enfin sur les violences au sein du couple. Le sujet était assez important pour que le Gouvernement prenne l’initiative d’une grande loi-cadre, qui aurait pu être le fruit d’un grand débat – mais il ne l’a pas fait. Il ne s’agit pas pour autant de critiquer l’initiative parlementaire et nous nous réjouissons que nous soit soumise cette proposition de loi qui a le mérite d’exister et nous permet de légiférer dans ce domaine.
L’exemple espagnol nous a montré la vertu thérapeutique et pédagogique d’un grand débat de société. Lorsque je me suis rendu à Madrid avec nos collègues Valérie Pecresse et Pierre-Christophe Baguet dans le cadre de la mission d’information sur la famille et le droit des enfants, nos amis espagnols nous ont beaucoup parlé du texte relatif aux violences au sein du couple qui faisait alors l’objet d’un débat dans la société espagnole.
Le sujet, je le répète, aurait mérité une grande loi-cadre. Tout en nous réjouissant des dispositions du texte, que nous allons évidemment voter, nous regrettons néanmoins qu’il soit trop déséquilibré. Si nécessaire que soit le volet répressif, le groupe socialiste aurait souhaité qu’il soit équilibré par un volet préventif. Nous regrettons que la commission et le Gouvernement aient rejeté nos amendements en ce sens, et notamment les dispositions prévoyant pour les magistrats et les personnels de la police ou de la gendarmerie nationale une formation initiale indispensable pour recueillir la parole des victimes.
Cela dit, cette proposition de loi a été l’occasion, dans la ligne des travaux de la Mission d’information sur la famille et les droits des enfants, de légiférer sur les mariages forcés. Cinq amendements consacrés à cette question ont été adoptés unanimement sur ces bancs, et j’en remercie le rapporteur et le Gouvernement. Outre le fait que l’âge minimum du mariage pour les jeunes femmes a été relevé et est désormais le même que pour les hommes, nous pourrons désormais prévenir, comme il est indispensable de le faire, ce vice du consentement.
Pour conclure, et en rappelant que le groupe socialiste votera cette proposition de loi, j’insisterai sur les mesures d’accompagnement, qui sont aussi indispensables que notre travail législatif de ce matin. Les associations jouent en ce sens un rôle primordial et je tiens à rendre hommage à leur travail de sensibilisation, qui a conduit la représentation nationale à se saisir enfin de cette question et à la traiter.