Projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d’urgence pour l’emploi
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, dernier orateur inscrit.
M. Patrick Bloche. Messieurs les ministres, mes chers collègues, intervenant à la fin de la discussion générale, je vais me permettre d’aborder devant vous un sujet qui, à ma connaissance, n’a pas encore été traité dans ce débat.
Alors que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale et dans la présentation du projet de loi qui est soumis aujourd’hui à notre approbation, a évoqué l’urgence de mettre en place des mesures pour l’emploi, je suis frappé de constater qu’un secteur entier de l’activité économique de notre pays, même si ce n’est pas que cela – je veux parler du secteur culturel – n’a pas été pris en compte alors qu’il représente 500 000 emplois.
Vous savez, cher collègue, pour être membre comme moi du comité de suivi, que les estimations sont variables. En tout cas, on recense plus de 100 000 salariés indemnisés par l’UNEDIC. En l’occurrence les chiffres sont plus précis.
Ce secteur d’activité, qui crée de la croissance, qui apporte donc de la richesse à notre pays, notamment à de nombreuses collectivités territoriales, est en crise depuis deux ans. C’est en effet le 26 juin 2003 qu’a été signé ce que tout le monde considère aujourd’hui comme étant un mauvais accord, celui qui vise à modifier les annexes VIII et X du règlement annexé à la convention relative à l’assurance chômage, c’est-à-dire le régime spécifique qui s’applique aux artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel.
Son objectif était de réduire le déficit de ces deux annexes.
Or, nous le savons aujourd’hui, et les chiffres sont sans appel, le déficit, loin de décroître, a crû. Et cet accord, mis en œuvre il y a deux ans, a même entraîné des effets si pervers que ceux qui devraient être les plus aidés par l’assurance chômage ont souvent été exclus du bénéfice des indemnités alors que d’autres dans une situation plus favorable, appelés les « permittents », ont vu leurs indemnités augmenter parfois de façon conséquente. C’est donc un mauvais accord, agréé pourtant par le Gouvernement de l’époque.
Depuis deux ans, un comité de suivi s’est créé, à l’Assemblée nationale, pour essayer de résoudre ce problème. À ceux qui me reprocheraient de parler chômage, et pas emploi, je répondrai que c’est d’emploi culturel dont il s’agit. Si nous n’arrivons pas collectivement, évidemment avec les partenaires sociaux, à apporter une réponse à la nécessaire réforme des annexes VIII et X, nous n’arriverons pas à stabiliser l’emploi culturel, extraordinairement fragilisé par ce mauvais accord qui a exclu un grand nombre des bénéficiaires de l’assurance chômage avant le 26 juin 2003. Après une forte mobilisation des intermittents, après les demandes formulées par le comité de suivi, le ministre de la culture et de la communication a dû, dans l’urgence, mettre en place un fonds transitoire lequel a permis, si j’ose dire, de récupérer 4 500 intermittents qui avaient été exclus mécaniquement du bénéfice de l’assurance chômage.
Durant ces deux ans, beaucoup de choses ont été dites sur l’emploi culturel : d’abord dans l’excellent rapport de M. Guillot, qui avait été commandé par le ministre à la demande du comité de suivi, puis par la mission d’information parlementaire Paillé-Kert. Cette mission a formulé plusieurs propositions tendant à stabiliser, à pérenniser l’emploi dans ce secteur marqué par le phénomène d’intermittence. De nombreux acteurs culturels passent en effet d’une période d’activité à une période de moindre activité, même si, pour un artiste, ne pas être en répétition ou ne pas jouer sur scène chaque soir ne signifie pas automatiquement qu’il ne fait rien: souvent, il prépare un autre projet culturel.
Les propositions du rapport Guillot devraient interpeller très directement les deux ministres qui siègent au banc du Gouvernement et je suis très heureux d’ailleurs d’avoir M. Borloo et M. Larcher en face de moi aujourd’hui car notre interlocuteur habituel est le ministre de la culture et de la communication alors que je considère que ce domaine devrait être un domaine partagé.
Parmi ces propositions, je rappelle la nécessité du développement des emplois permanents, de l’accroissement de la durée moyenne du travail annuel rémunéré et des contrats, de l’activation de tous les dispositifs de contrôle et d’emploi, de la prise en compte, lors de nouvelles conventions collectives, des temps de répétition et de préparation. Nombre de ces propositions mériteraient un examen sérieux, voire une traduction dans la loi.
Pour conclure, puisque je pense arriver au terme du temps qui m’est accordé, je vais souligner qu’il faut commencer par résoudre le problème des annexes VIII et X. Le temps passe et le problème n’est en rien résolu puisque nous sommes encore et toujours dans le provisoire.
Certes, la convention UNEDIC doit être renégociée à la fin de l’année mais – je parle au nom du comité de suivi, du moins en accord avec mon collègue Pierre Albertini et les parlementaires de tous les groupes qui le composent – il nous paraît indispensable, puisque le dialogue a été renoué avec les partenaires sociaux et qu’un nouveau rendez-vous a été fixé à la mi-septembre, de parvenir dès l’automne à une solution. Il serait détestable que nous passions l’année, et que nous repoussions au début de l’année prochaine la résolution de ce problème.
Une proposition de loi, signée par 307 députés, c’est-à-dire par la majorité des députés, vient d’être déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale. Nous attendons son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.
Je voulais, messieurs les ministres, chers collègues, rappeler ces quelques éléments pour que, dans notre débat, nous n’oubliions pas ceux que l’on devrait appeler plus souvent les « travailleurs de la culture ». Il y a urgence. Il s’agit certes d’une question d’assurance chômage mais aussi d’une question d’emploi, et d’un emploi qui profite, nous le savons, à toute la collectivité nationale.