Projet de loi relatif aux responsabilités locales
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
Comment ne pas avouer notre totale incompréhension quant aux dispositions relatives au patrimoine et aux enseignements artistiques?
Quelle mouche vous a donc piqués pour vouloir décentraliser à tout prix le service de l’inventaire général qui emploie 272 fonctionnaires dans tout le pays ? Il a été, dès sa création en 1964 par André Malraux, l’un des premiers services déconcentrés de l’Etat, bien avant la naissance des DRAC. Aujourd’hui, ce sont de petites équipes pluridisciplinaires intégrées dans les DRAC, le niveau régional étant pertinent pour tout le travail de recherche réalisé.
Il se situe donc en amont du classement des monuments historiques ou de leur inscription à l’inventaire supplémentaire. Les données de l’inventaire permettent l’établissement d’un document essentiel, atlas du patrimoine.
Très tôt, une politique active de partenariat avec les collectivités territoriales, a été développée par les services régionaux de l’inventaire. Sa disparition, en tant que service public national, ne répond à aucune logique ; elle comporte aussi des risques évidents.
Le fondement de l’inventaire, c’est de recenser, étudier et faire connaître. Or, cette unité va être rompue. Si le contrôle scientifique et la définition des normes doivent rester des compétences d’Etat, il n’en va pas de même de la conduite de l’inventaire dont vous souhaitez la dévolution aux régions.
Par ailleurs, en gardant la logique de partenariat vous auriez maintenu un garde-fou essentiel, celui de la neutralité de l’Etat. Quand les régions seront maîtresses du choix des terrains d’étude, on peut craindre que la logique des aménageurs s’impose, car elles seront à la fois juges et parties de la programmation.
On retrouve ici des intentions aussi funestes que celles qui ont conduit, l’été dernier, à privatiser les fouilles archéologiques. Partout, c’est le retrait de l’intervention de l’Etat, son démembrement qui est à l’ordre du jour !
Avec l’article 73, on atteint un sommet. L’Etat donne le monument historique au plus offrant sans préciser ce qui a vocation à rester propriété de la nation. Ce désengagement systématique du patrimoine national met en péril l’exploitation historique et scientifique des lieux de mémoire que sont les monuments historiques.
Le coût des travaux d’entretien risque de peser très lourdement sur le budget des collectivités concernées. Le subventionnement des travaux pour une durée maximale de cinq ans ne constitue en aucun cas une garantie puisque rien ne précise à quelle hauteur les travaux seront subventionnés.
Une disposition transfère également les personnels des monuments. Mais quelle garantie a-t-on que leur nombre ne sera pas réduit à cette occasion ?
Ainsi, les collectivités qui se porteront acquéreurs de monuments historiques seront dans une situation moins favorable que les propriétaires actuels, les travaux réalisés par les collectivités locales ou par des particuliers étant aujourd’hui pris en charge à hauteur de 50 % par l’Etat.
S’agissant des enseignements artistiques, si le texte est calqué sur la pratique actuelle, son imprécision suscite l’inquiétude des maires et des présidents de groupements de communes. Les différents niveaux d’enseignement ne sont pas clairement distingués et des disparités risquent de subsister entre des diplômes délivrés sous un même titre. De même, la notion de cycle d’enseignement professionnel n’est pas suffisamment définie. Aucune distinction n’est faite entre la pratique amateur et la pratique professionnelle.
Il est proposé de transférer les concours financiers de l’Etat aux départements et aux régions pour financer les conservatoires et les écoles nationales, à charge pour les collectivités de ventiler les sommes. Quelles garanties auront les communes que les aides actuelles de l’Etat, qui représentent environ 28 millions d’euros, seront durablement maintenues et équitablement réparties ? Quels recours auront-elles en cas de désaccord sur les priorités avec les départements et les régions ? Il faut savoir que les grandes villes financent aujourd’hui de 75 % à 80 % du budget des conservatoires nationaux de région. Le débat en commission a fort heureusement démontré que ces dispositions n’étaient pas appropriées. Nous espérons que l’article 75 de ce texte pourra être supprimé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).