Budget de la Communication

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, ma question sera complémentaire de celle de notre collègue Frédéric Dutoit, puisqu’elle concerne les télévisions associatives locales.
Je voudrais évoquer le cas plus particulier de cette dizaine de télés associatives – notamment Zalea TV, Télé Bocal, Ondes sans Frontières – qui ont été autorisées cet été par le CSA à émettre, du 29 octobre 2002 au 28 février 2003, à partir de la tour Eiffel. Nous avons évidemment été nombreux à nous réjouir de cette autorisation enfin accordée à ces télévisions. Mais depuis le début du mois de novembre, il s’avère que, faute de pouvoir payer la somme exigée par TDF – qui se monte à 230 000 euros pour six mois de diffusion, avec un versement préalable à toute diffusion de deux mois – aucune de ces télévisions n’a été en mesure d’émettre le moindre programme.
Il est regrettable pour les habitants d’Ile-de-France qu’une telle occasion de recevoir gratuitement des programmes audiovisuels citoyens, émis par ces chaînes de proximité, alternatives et non commerciales, soit ainsi repoussée.
J’ai bien entendu, monsieur le ministre, votre réponse à notre collègue Dutoit. Vous nous avez indiqué que vous n’envisagiez pas, du moins à court terme, la création d’un fonds de soutien, et que vous pourriez éventuellement décider le déplafonnement du fonds de soutien à l’expression radiophonique, qui serait ainsi étendu au profit des télévisions associatives.
Je souhaiterais néanmoins savoir si vous avez prévu une solution spécifique pour ces dix télévisions locales, qui ne peuvent exercer le droit d’émettre dont elles bénéficient.
Par ailleurs, aux termes de l’article 59 de la loi du 1er août 2000, le Gouvernement s’est engagé dans un délai d’un an à déposer devant le Parlement « un rapport qui présentera les possibilités de développement de télévisions citoyennes de proximité. Ce rapport fera l’objet d’un débat au Parlement ». Le rapport a été préparé par l’ancien gouvernement mais l’alternance est arrivée et ce rapport est actuellement bloqué au secrétariat général du Gouvernement pour des raisons relativement incompréhensibles. Je pense que le moindre respect pour la représentation nationale impose que le Gouvernement lui transmettre à présent le rapport.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, ce rapport n’a pas été transmis tout simplement parce que je l’ai jugé incomplet et procédant d’analyses trop superficielles. En outre, je souhaitais disposer des conclusions du rapport Boyon, celui traitant de la question du développement des télévisions locales dans le cadre de la mise en oeuvre de la télévision numérique terrestre.
Je serai en mesure, certainement dans la première quinzaine du mois de janvier, de porter ce rapport à votre connaissance puisqu’il est destiné au Parlement.
Quant à la télévision numérique terrestre, elle offre au développement de la télévision locale une perspective tout à fait intéressante. Nous avons confirmé l’attribution de trois canaux de diffusion à des chaînes locales. Or compte tenu de l’existence d’une centaine de zones d’émission, ces canaux pourront, à terme, justifier la création de près de 300 chaînes de télévision locale. Nous sommes, dans ce domaine, dans une situation très archaïque par rapport à celle que connaissent d’autres pays, notamment européens.
Nous devrons de plus poser la question du financement de ces télévisions.
Là encore, ce n’est sans doute pas uniquement dans l’aménagement des dispositifs de taxation que se trouve la solution idéale. Il faut réfléchir à l’équilibre économique de ces chaînes. Il faut étudier les conditions dans lesquelles les collectivités locales, elles le font d’ailleurs déjà parfois, pourront participer à leur financement. Il faut voir comment ces chaînes pourront accéder à des publicités spécifiques.
Le problème est délicat, car nous sommes confrontés à un conflit d’intérêts caractérisé, qui concerne les secteurs dits « interdits ».
Un certain nombre de secteurs sont actuellement interdits de publicité : la presse écrite, le livre, le cinéma, la grande distribution. La presse quotidienne régionale et nationale, dont vous savez la vulnérabilité, sont elles-mêmes très attachées à la pérennité de ces interdictions, qui sont contestées par Bruxelles. Mais le développement et l’équilibre économique, à terme, des chaînes de télévisions locales, nécessiteront sans doute qu’on étudie de façon responsable ces problèmes. C’est là un grand chantier, auquel nous travaillerons au cours des prochains mois.

(…)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour une dernière question.

M. Patrick Bloche. Ma seconde question est connexe de la première et M. le ministre a amorcé une réponse, mais je souhaiterais néanmoins approfondir le débat, très rapidement bien sûr.
En mai dernier, la Commission européenne adressait à la France une mise en demeure exigeant que notre pays justifie l’exception française qui interdit aux secteurs de la grande distribution, de la presse écrite, de l’édition et du cinéma de faire de la publicité à la télévision. Se retrouvait ainsi relancé un débat qui n’est pas nouveau sur la modification, voire la suppression, du décret de 1992. Le sujet est déjà sensible depuis un certain temps, et votre prédécesseur elle-même, Mme Catherine Tasca, avait été directement interpellée en 2000, le CSA considérant, en février 2000, que les restrictions d’accès à la publicité télévisée prévues par le décret de 1992 ne devaient pas s’appliquer aux activités des sites internet, au motif qu’elles relevaient d’un secteur économique nouveau et spécifique.
Vous-même monsieur le ministre, le 4 juillet – une bonne date ! -, vous avez déclaré avec une lucidité que je tiens à saluer : « Nous sommes le seul pays d’Europe à tenir une position aussi restrictive. Nous ne pourrons pas la tenir indéfiniment. » Et vous jugez inévitable d’ouvrir certains secteurs interdits, en commençant par ceux du cinéma et de l’édition.
Las ! Mme Lenoir s’est emparée du dossier et le Gouvernement a choisi le statu quo en annonçant une concertation, nécessairement large – de mémoire la quatrième sur ce même décret.
Si tout gouvernement n’oublie jamais que la presse quotidienne régionale tire 30 % de ses revenus publicitaires de la grande distribution, si le pluralisme et la diversité radiophoniques doivent naturellement être préservés par le maintien d’un réseau indépendant, il reste que le développement inéluctable du numérique et de ses nouveaux acteurs rendra le maintien du statu quo, au-delà des contraintes communautaires, très rapidement ingérable.
Alors que le cinéma français privé d’Amélie connaît une mauvaise année, alors que les éditeurs indépendants viennent de subir de plein fouet l’inacceptable concentration du secteur de l’édition, comptez-vous, monsieur le ministre, reprendre la main sur ce dossier et donner en cet automne une suite aux intentions que vous avez exprimées l’espace d’un été ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, je suis très sensible à l’attention que vous portez à mes déclarations et à mes écrits. Mais je savais depuis longtemps que nous étions chacun un lecteur attentif des écrits de l’autre. (Sourires.)
Vous le savez, depuis 1992, les secteurs de la presse, de l’édition littéraire, du cinéma, de la grande distribution, ne peuvent pas faire de publicité sur les chaînes de télévision. Cette réglementation est contestée par la Commission européenne. Dans sa réponse à la Commission, le 25 septembre dernier, le Gouvernement, tout en justifiant la proportionnalité des mesures adoptées en 1992 avec les buts recherchés, a indiqué qu’une consultation de tous les acteurs intéressés allait débuter.
Effectivement, les services de la direction du développement des médias ont commencé, dès le mois d’octobre, à recevoir des contributions écrites, comme je l’avais souhaité, et toutes les personnes, tous les organismes qui avaient présenté en premier leurs demandes, notamment des demandes d’ouverture des secteurs.
La consultation a ainsi débuté par le secteur de la presse écrite. Elle se poursuivra d’ici à la fin de l’année par l’édition littéraire et, dans les premiers mois de 2003, seront abordées les questions du cinéma et de la distribution.
Vous le savez, les avis sont très partagés.

M. Patrick Bloche et M. Michel Françaix. En effet.

M. le ministre de la culture et de la communication.
Dans chacun de ces secteurs, une fracture s’opère entre ceux qui relèvent d’une économie large et ceux qui relèvent d’une économie plus étroite, plus précaire, ces derniers craignant que l’accès à la publicité n’accentue encore les disparités entre les uns et les autres.
Toujours est-il que le Gouvernement attend du résultat de ces consultations des propositions constructives, propres à ménager les secteurs bénéficiant aujourd’hui de ces mesures réglementaires. J’ai pu mesurer au cours des dernières semaines l’intérêt qu’il y avait à consulter, à se concerter, à ouvrir des tables rondes, c’était à propos du décret sur les cartes illimitées de cinéma. En effet, quand je suis arrivé rue de Valois, je me suis rendu compte que le décret sur les cartes illimitées de cinéma qu’avait préparé mon prédécesseur divisait profondément le monde de l’exploitation cinématographique et marquait une rupture vraiment tragique entre les gros réseaux et la petite exploitation. Pendant deux mois, nous avons rencontré à plusieurs reprises toutes les parties concernées. Nous sommes arrivés à un accord, et le décret et la circulaire d’application ont été signés.
S’agissant de la publicité, Mme Lenoir ne m’a pas volé le dossier.

M. Patrick Bloche. Je l’espère.

M. le ministre de la culture et de la communication.
Il est normal dans un gouvernement que les ministres travaillent les uns avec les autres. Mme Lenoir est en charge des affaires européennes. Sur une telle question, qui concerne notre relation avec la Commission, elle a un rôle à jouer. (M. Nayrou donne un signe d’approbation.) Pour ma part, je m’en réjouis, tout comme votre collègue, semble-t-il.