Projet de Loi concernant l’emploi des jeunes en entreprise

Explication de vote du groupe socialiste


Monsieur le Ministre,

En discutant de cette première loi sociale de la nouvelle législature le Gouvernement a fixé un cap pour notre pays : il est foncièrement libéral. Malheureusement cela n’augure rien de bon pour la « France d’en bas » dont vous nous parlez et dont vous vous voulez pourtant les plus ardents défenseurs.

Que constatons-nous en effet ? Edifié à partir d’un bon postulat celui de créer des emplois en faveur de jeunes sans qualification dans une période de ralentissement économique mondial qui s’accompagne d’une remontée du chômage ce projet de loi n’est en fait qu’un vrai cadeau de 650 millions d’euros par an – excusez du peu – pour les grandes entreprises qui disposeront ainsi d’un réservoir de main-d’oeuvre à moindre coût. Les petites et moyennes entreprises qui devaient pourtant en être les premières bénéficiaires devront se contenter des restes du dispositif que vous mettez en place.

Ce cadeau est de plus sans contrepartie. C’est sans doute là notre principale critique : absence de formation et d’accompagnement pour les jeunes embauchés et absence de bilan annuel du dispositif.
C’est réellement un chèque en blanc à l’ordre du MEDEF que vous nous demandez de signer !


Des questions demeurent auxquelles monsieur le ministre vous n’avez pas répondu au cours de ce débat express – peut-être le ferez-vous en fin de discussion : qu’allez-vous faire des autres dispositifs d’aide aux jeunes sans qualification déjà existants et qui ont donné des résultats encourageants tels que les formations en alternance ou le programme TRACE ? Vont-ils disparaître ou seront-ils maintenus à l’issue de ces trois jours ? Nous attendons toujours la réponse.

Allez-vous assurer avec ce nouveau dispositif un emploi de qualité et durable à ces jeunes sans qualification alors que par ailleurs vous permettez aux entreprises de les recruter à temps partiel ? C’est une loi votée à grande vitesse avouons-le. Nous avons commencé mardi nous terminons ce soir.

C’est une loi qui ne prend pas en compte le vrai travail de proposition des élus de notre assemblée. Vous avez cité monsieur le rapporteur la centaine d’amendements déposés. Il eût fallu pour éclairer tous nos collègues citer le nombre d’amendements adoptés. Hormis ceux du Gouvernement et ceux de la commission tous les amendements présentés par des élus de votre majorité ont été refusés ! Quant à ceux que l’opposition avait déposés ils ont tous été rejetés. Ce refus partisan a conduit à repousser – ce qui est surprenant et qui dévalue d’ailleurs fortement notre travail – toute évaluation parlementaire du dispositif que vous nous proposez.


Pourtant les droits du Parlement ne peuvent sortir que renforcés d’un suivi par les parlementaires eux-mêmes de l’application des textes adoptés.


Ce débat aura été l’occasion pour le Gouvernement de nous montrer son vrai programme : abandon pur et simple des emplois-jeunes et profonde remise en cause des lois Aubry portant sur la réduction du temps de travail.

Cinq années d’avancées sociales pour les Français vont disparaître pour – uniquement ! – financer sans contrepartie des baisses de charges pour les entreprises. Avec vous monsieur le ministre avec votre Gouvernement on efface tout et on reprend là où l’on s’en était arrêté avec M. Juppé. On connaît la suite !


C’est au nom de la réduction d’une charge financière pour l’Etat dont l’utilité sociale n’était contestée par personne que vous mettez ainsi fin brutalement aux emplois-jeunes.


Que ferez-vous lorsque les 250 000 jeunes concernés arriveront au terme de leur actuel contrat et manqueront de fait aux associations de quartier et aux services de proximité ? Dans les collectivités locales toutes couleurs politiques confondues nombre d’élus locaux de la majorité nous font part d’ailleurs en aparté de leurs soucis en ce domaine.


Vous faites souvent référence monsieur le ministre au besoin de dialogue social. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec vous il n’est acceptable que s’il accompagne les choix politiques de votre gouvernement. Je n’en veux pour preuve que le débat que nous avons eu sur l’article 3 et sa conséquence directe : le doublement des cotisations sociales des intermittents du spectacle et de leurs employeurs que rejettent pourtant avec force les organisations syndicales mais aussi patronales représentatives du secteur culturel et audiovisuel. Et je ne parle même pas de la procédure utilisée : celle du cavalier parlementaire.


Avec ce projet de loi vous avez clairement montré quelle logique politique vous anime. La petite musique sociale entendue durant la période électorale c’est bien fini : il s’agit pour vous aujourd’hui de passer aux choses sérieuses et de déréglementer encore et encore. Selon vous le droit du travail doit systématiquement céder la place à la liberté de l’employeur.


Pour toutes ces raisons le groupe socialiste s’oppose au dispositif que vous nous proposez à travers ce projet de loi car c’est le produit d’une logique bien plus libérale que sociale. Contrairement à ce que vous avez prétendu hier nous ne manquons pas d’arguments aujourd’hui. Nous risquons d’en disposer de plus solides encore dans quelques mois pour expliquer à nos concitoyens pourquoi le groupe socialiste a voté contre ce texte.