Apposition de 2 plaques commémoratives à la mémoire d’André Malraux au lycée Turgot, rue de Turbigo (3e) et au 53, rue de Damrém
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Nous passons à l’examen du projet de délibération D. 1641. Vous savez que ce matin, le Maire de Paris, Jean TIBÉRI, a associé notre Conseil à l’hommage national rendu à l’écrivain, André Malraux. Il s’agit d’apposer deux plaques commémoratives, rue de Turbigo et 53, rue Damrémont.
J’imagine que notre Conseil se prononcera à l’unanimité dans un sens positif. Je donne la parole à M. BLOCHE.
M. Patrick BLOCHE. – Votre intervention liminaire, Monsieur le Maire, rejoint les échos que j’ai eus au cours de cette journée, selon lesquels mon inscription sur ce projet de délibération et le dépôt d’un amendement par le groupe socialiste viseraient à perturber le consensus national établi au cours de l’hommage solennel rendu à André Malraux à l’occasion du transfert de ses cendres au Panthéon.
Je souhaiterais simplement citer le Président de la République qui, à juste raison, a rappelé samedi qu’André Malraux n’était ni de droite, ni de gauche, mais qu’il était de France. De ce fait, je me sens, comme chacun d’entre vous, autorisé à intervenir sur le libellé qui nous est proposé pour l’apposition de deux plaques, l’une dans le 3e, où il a été élève à l’école primaire, et une dans le 18e, où il est né.
Les deux plaques ayant une rédaction relativement identique citent effectivement André Malraux comme écrivain, et c’est le moins que l’on puisse faire pour l’auteur des « Conquérants », pour celui qui a obtenu le Prix interalliés et le Prix Goncourt et qui a écrit « Le Musée Imaginaire ».
L’appellation « écrivain » me semble, de ce fait, restrictive. Notamment, c’est oublier, ou du moins c’est être extraordinairement restrictif par rapport au fait que Malraux a beaucoup écrit sur l’art. La Ville de Paris, dans l’hommage qu’elle veut lui rendre, aurait pu effectivement faire également référence au fait qu’en août 1962 était votée la loi « Malraux » sur la création des quartiers sauvegardés, ce qui a évité beaucoup de dégâts dans la Capitale, et je pense que les Parisiens lui doivent beaucoup.
Ceci dit, le reproche fondamental que nous faisons à l’intitulé proposé est qu’il n’est fait référence qu’aux fonctions institutionnelles d’André Malraux ; et sa vie, en quelque sorte, à la lecture de la plaque, commencerait en 1959 quand il est devenu Ministre des Affaires culturelles.
C’est donc oublier qu’il a été écrivain tout au long de sa vie, c’est oublier ses engagements militants durant toute les années 30 et également durant les années 40 ; c’est oublier que dès novembre 33, avec Gide, il prenait la défense de Thälmann et de Dimitrov ; c’est oublier que dès mai 34, il participait à un rassemblement national anti-fasciste au Cirque d’hiver ; c’est oublier qu’en 35, il prenait également des prises de position anti-fasciste sur les affaires d’Ethiopie et d’Espagne ; c’est oublier que dès août 36, il prenait le commandement de l’escadrille républicaine espagnole dans la guerre civile espagnole ; c’est oublier qu’en 37, il écrivait « L’Espoir », qui allait devenir deux ans plus tard un film ; c’est oublier qu’en 39, il participait à une opération internationale antifasciste à Paris ; qu’en 44, il créait la brigade Alsace-Lorraine dont il prenait le commandement sous le nom du colonel Berger.
Tout cela est totalement évacué de l’intitulé qui nous est proposé. Si vous lisez un peu…
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Monsieur BLOCHE, poursuivez et concluez.
M. Patrick BLOCHE. – Je voulais dire que la dimension antifasciste de Malraux est occultée par l’intitulé proposé. « Le Monde » du week-end dernier titrait : « Le Panthéon accueille Malraux l’antifasciste ».
« Le Journal du Dimanche » extrayait cette phrase : « Quand il y a le fascisme quelque part, on se bat contre le fascisme » citée dans l’intervention du Président de la République, Jacques CHIRAC.
Je voulais tout simplement, à travers mon intervention, rappeler ces années tout à fait importantes de l’histoire de l’Europe en général, afin que cette dimension anti-fasciste de l’engagement de Malraux ne soit pas occultée par les propositions d’intitulés qui sont soumises à notre approbation.
Malraux, dans une jolie formule, disait : « La culture, c’est l’ensemble des formes qui ont été plus fortes que la mort ». Je souhaiterais, en le paraphrasant, qu’on puisse dire : l’hommage que nous souhaitons lui rendre, c’est l’ensemble des vies qui ont été plus fortes que la mort, et que nous ne choisissions pas certaines vies d’André Malraux par rapport à d’autres.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a déposé une proposotion d’amendement visant à ce que soit ajouté au projet de plaques les mots suivants : « combattant antifasciste, résistant ».
Je vous remercie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – La parole est à M. TUROMAN.
M. Michel TUROMAN. – Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, samedi, au Panthéon, est entré André MALRAUX. Je n’ai pu m’empêcher de penser à l’émotion et au choc ressenti par le jeune homme de 18 ans que j’étais à la lecture de « La Condition humaine » et à ce qu’André Malraux m’a appris alors en faisant de moi, pour une part, l’homme que je suis devenu aujourd’hui.
Dans toutes ces facettes, sa vie et son oeuvre ont marqué ce siècle. Du combat des révolutions par les Chinois de Shanghaï avec « La condition humaine », à l’épopée du Front populaire et de l’Espagne républicaine avec « L’Espoir ». Comme de sa rencontre avec le Général de Gaulle à l’issue de la Résistance. Ecrivain, homme de culture, combattant anti-fasciste, Ministre du Général de Gaulle, André Malraux a été un homme passionné et un homme dans toute sa complexité. Les communistes, on le sait, se sont opposés au Ministre, au militant d’une politique qu’ils désapprouvaient. Mais nous n’en sommes que plus à l’aise pour dire combien nous ressentons aujourd’hui le souffle, le style et la hauteur de vue qui parcourent ses textes. Et nous n’oublions pas l’intellectuel, profondément lié aux luttes populaires, le combattant et l’écrivain avec qui nous avons lutté contre le fascisme.
(Applaudissements sur les bancs des groupes communiste, socialiste et du Mouvement des citoyens).
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Je donne la parole à M. BORDET.
M. Xavier-Marie BORDET. – Après le discours du Président de la République je n’aurai pas la prétention de faire la biographie ni de retracer l’oeuvre d’André Malraux. Je constate qu’entrant au Panthéon, il suscite encore le débat ce qui l’aurait certainement fait sourire, après la victoire de la liberté sur le fascisme à Dreux hier.
Ecrivain, ministre, telle est la question. Il s’agissait de condenser dans une plaque le penseur, le penseur de l’universalité de l’art, le penseur de l’universalité de la mort, le penseur de l’universalité de l’homme, l’homme qui dit non, l’homme qui se révolte avec les hommes opprimés.
Antifasciste, vous l’avez dit, anticolonialiste aussi et ministre d’un gouvernement qui a pratiqué l’anticolonialisme, lui, et qui a décolonisé, lui. Penseur et homme d’action, homme d’action par la plume, homme d’action aussi par la politique et j’ai la prétention de croire que la condition de ministre est une action politique qui associe aussi la pensée.
Donc en citant l’écrivain qui combat par la plume, en citant le ministre qui mène son engagement jusqu’au bout, jusqu’aux fonctions ministérielles je crois que l’on ne peut pas, naturellement, résumer les mille facettes d’André MALRAUX, mais que l’on dit l’essentiel.
La Ville, qui lui doit tant pour ce qu’il a apporté à ses bâtiments, pour ce qu’il a apporté à ses grandes expositions internationales et qui, très faiblement, lui a déjà rendu hommage en lui donnant le nom d’une place, le nom d’un collège, en mettant ces deux plaques, la Ville de Paris, qu’il appelait « cette nef de bronze » dans un de ses nombreux discours historiques, va lui rendre encore un hommage et faire résonner cette nef de bronze et ce ne sera pas la dernière fois qu’André MALRAUX suscitera des débats et fera résonner cette nef de bronze, le tocsin de la liberté en danger ou volée des cloches de la Libération.
(Applaudissements sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Je donne la parole à Mme MACÉ de LÉPINAY pour répondre aux différents orateurs.
M. Daniel MARCOVITCH.- C’est une honte !
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Monsieur MARCOVITCH, s’il vous plaît, est-ce que vous voulez bien écouter la réponse de Mme MACÉ de LÉPINAY.
M. Daniel MARCOVITCH. – Je n’ai pas parlé à Mme MACÉ de LÉPINAY, j’ai parlé à l’orateur précédent.
M. Xavier-Marie BORDET. – L’anticolonialisme, c’est de Gaulle qui l’a fait.
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – La parole est à Mme MACÉ de LÉPINAY et à elle seule.
Mme Hélène MACÉ de LÉPINAY, adjoint, au nom de la 4e Commission. – Effectivement, nous n’allons pas refaire tout le débat.
Je remercie M. BORDET de ce qu’il vient de dire. Il a répondu en partie ce que j’aurais voulu répondre.
Nous avons longuement évoqué cette question en 4e Commission. Vous savez, Monsieur BLOCHE, qu’on ne peut pas tout écrire sur une plaque. Une plaque, cela a un format imposé, si je puis dire.
Je vous ai aussi dit que cette mention avait reçu l’accord de la famille d’André MALRAUX. Je ne peux donc que vous demander de maintenir la mention telle qu’elle vous est proposée. On pourrait mettre beaucoup de choses, on aurait pu mettre gaulliste aussi, c’était une belle référence.
Pourquoi pas ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).
Je vous demande donc d’adopter le texte des deux plaques, tel qu’il vous est proposé et je vous en remercie.
M. Patrick BLOCHE. – Résistant et antifasciste, c’est ce qu’on vous demande.
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – C’est le Conseil de Paris qui va décider.
Mme Hélène MACÉ de LÉPINAY, adjoint, rapporteur. – Excusez-moi, gaulliste, cela veut dire résistant. Oui !
M. Daniel MARCOVITCH. – Papon…
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Si vous voulez reprendre votre calme, nous allons procéder au vote.
Monsieur BLOCHE, vous vous êtes déjà exprimé.
M. Patrick BLOCHE. – Je signale seulement que sur le projet de délibération on nous demande d’imputer une dépense pour un coût des plaques qui n’est pas indiqué dans l’exposé des motifs, ce qui est contraire à nos habitudes.
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Vous avez le libellé intégral dans l’exposé des motifs, Monsieur BLOCHE.
M. Patrick BLOCHE. – Oui, mais le coût des plaques n’est pas indiqué dans l’exposé des motifs.
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Il est indiqué dans l’exposé des motifs : 13.090 F.
M. Patrick BLOCHE. – Cela, c’est l’exposé des motifs qui a été modifié depuis ma remarque de vendredi, en 4e Commission. Tous les conseillers de Paris qui ont reçu le projet de délibération, la semaine dernière, ont reçu un exposé des motifs où il n’y avait pas mention du coût. J’en ai fait la remarque vendredi dernier, en 4e Commission et vous avez donc, en tant que président de séance, un exposé des motifs modifié portant le coût de 13.090 F. Je voulais que ce soit indiqué en séance et donc dans le compte rendu.
M. Jean-François LEGARET, adjoint, président. – Monsieur BLOCHE, c’est fait. Le projet de délibération sur lequel nous allons nous prononcer, c’est effectivement celui qui a été distribué aujourd’hui en séance. Je mets tout d’abord aux voix, à main levée, la proposition d’amendement déposée par M. BLOCHE.
Qui est favorable à cet amendement ?
Qui est défavorable ?
Abstentions ?
La proposition d’amendement est repoussée à la majorité, les groupes « Rassemblement pour Paris », « Paris-Libertés », Mme TAFFIN, MM. DUMAIT et REVEAU ayant voté contre, Mme SCHNEITER n’ayant pas pris part au vote.
Je mets maintenant aux voix, à main levée, le projet de délibération D. 1641.
Qui est pour ?
Contre ?
Abstentions ?
Le projet de délibération est adopté à la majorité, M. REVEAU ayant voté contre. (1996, D. 1641).