Autorisation à M. le Maire de Paris de déposer un permis de démolir visant des bâtiments situés 10 et 16, rue Richard-Lenoir (11
M. LE MAIRE DE PARIS. – Nous passons au projet de délibération D. 1484 autorisant M. le Maire de Paris à déposer un permis de démolir visant des bâtiments situés 10 et 16, rue Richard-Lenoir (11e).
La parole est à M. FERRAND.
M. Eric FERRAND. – Merci, Monsieur le Maire.
Il s’agit d’un site auquel la Mairie du 11e arrondissement attache une grande attention. Ce projet de délibération qui a reçu un avis favorable du Conseil du 11e arrondissement, sous réserve d’un certain nombre de points, concerne une opération qui pourrait être exemplaire, pour reprendre une expression chère à M. BULTÉ, de l’urbanisme à visage humain que la Ville de Paris entend conduire à présent.
Le projet initial visait la destruction totale des parcelles concernées ou attenantes et la construction de bâtiments de 6 étages sur la totalité du terrain. Ce projet, si j’ai bien compris, pourrait être aujourd’hui abandonné.
Au cours de plusieurs réunions de travail avec M. BULTÉ et Mme COUDERC, le Maire du 11e a préconisé un projet plus adapté à l’échelle du terrain et du tissu urbain environnant. Celui-ci comprendrait notamment la réhabilitation de la cité ouvrière au 2-4, rue Gobert et la réhabilitation des immeubles en bon état du 10, rue Richard-Lenoir qui nous occupent. Il s’agit de deux petits bâtiments dénommés F et G et de la construction d’un ensemble de logements sociaux autour d’une cour intérieure plantée.
Outre la construction limitée à 4 étages des immeubles, nous souhaitons que ce programme d’aménagement soit mixte et qu’en particulier dans la cité ouvrière, en doublant le volume du bâtiment existant en profondeur, soient construits des logements pour artistes.
Dans le cadre du Plan de protection du Faubourg-Saint-Antoine qui va être mis en œuvre, ces propositions de la mairie du 11e arrondissement mériteraient donc d’être retenues pour ce projet.
Je souhaiterais enfin que me soit confirmée la conservation des bâtiments F et G au 10, rue Richard-Lenoir et leur exclusion du présent permis de démolir. La Mairie du 11e souhaiterait par ailleurs obtenir des assurances sur ses propositions de la part de la Municipalité parisienne.
Je vous remercie.
M. LE MAIRE DE PARIS. – Merci.
Monsieur BLET, vous avez la parole.
M. Jean-François BLET. – Monsieur le Maire, le 25 septembre dernier, vous nous aviez soumis le permis de démolir du 24, rue Richard-Lenoir et j’étais intervenu pour exprimer notre opposition à l’opération. Hélas, nos craintes étaient amplement justifiées puisque aujourd’hui c’est le 10 et le 16 de cette même rue que vous voulez détruire. Les dominos tombent les uns après les autres pour satisfaire un prurit dévastateur !
La démolition des bâtiments des 10 et 16, rue Richard-Lenoir, au même titre que celle du 24, s’inscrit dans le cadre d’une opération de la Ville et de la S.A.G.I., sur 3.000 mètres carrés, face au gymnase Japy, concernant des immeubles d’habitation sociale et quelques activités de proximité : un club de gym, le bar-restaurant « L’ange vin » aujourd’hui disparu de votre fait.
Pourquoi faut-il nous opposer à l’opération ? Essentiellement pour 3 raisons. D’abord, parce qu’aucun des immeubles ne menace ruine et qu’une simple réhabilitation-amélioration du confort sanitaire peut être engagée à moindre coût. Ensuite, parce que la seule véritable raison de cette insertion est la hauteur modérée de ces bâtiments, de 0 à 5 étages, et une certaine paranoïa à l’encontre des dents creuses !
Cette opération s’assimile donc à une énième « tabula rasa », mode d’intervention que l’on croyait révolu, à écouter vos discours !
Enfin, parce que le secteur Richard-Lenoir est en plein cœur du périmètre de protection et de mise en valeur du Faubourg-Saint-Antoine engagé sur ce quartier, programme qui a fait l’objet de nombreux engagements publics.
Or, en observant la réalité de vos actions sur ces secteurs, c’est la douche froide et la stupéfaction. D’un côté, vous prônez la réhabilitation, le respect des caractéristiques d’un quartier, d’un urbanisme s’insérant dans le tissu existant avec des études au cas par cas ; de l’autre, vous engagez une opération de table rase sans tenir compte de la qualité technique architecturale et urbaine de chaque bâtiment. En outre, vous prônez la protection du patrimoine, les éléments remarquables du paysage urbain et, simultanément, vous programmez la destruction de cette cité ouvrière du 19e, des 2 et 4, rue Gobert, alors que cet ensemble constitue justement un élément particulièrement remarquable du paysage urbain, pour reprendre votre terminologie, et qu’il est en bon état.
Vous prônez la préservation des caractéristiques urbaines du Faubourg et donc l’existence de bâtiments de faible hauteur participant à sa diversité. Mais en même temps, vous détruisez des bâtiments de 2 ou 3 étages pour les remplacer par un front uni de 6 ou 7 étages, marotte typiquement paléo-haussmanienne des urbanistes de la Ville !
Ainsi, le permis de construire déposé par la S.A.G.I. le 27 juin 1995, sous la référence 75.111.95.422-40 propose un programme qui viole outrageusement les orientations et les futures règles du P.O.P.S. de quartier que vous mettez en place par ailleurs. En effet, le Plan de protection dénonce les couronnements, présentant des niveaux en retrait par rapport à la verticale de façade, et propose d’harmoniser les toitures avec les caractéristiques du Faubourg ; c’est-à-dire des toitures inclinées à faible pente.
Or, le projet de la S.A.G.I. tel que le révèle le volet paysager du permis de construire impose a contrario des immeubles dont les toitures présentent des niveaux en retrait par rapport à la verticale de la façade. De même, le Plan de protection dénonce les immeubles contemporains qui cherchent les effets de style les plus divers : retrait, couleur, saillies, etc., et préconise la sobriété des façades, l’utilisation de couleurs claires, la limitation des retraits en façades, l’interdiction de certains matériaux tels la pierre agrafée, afin de respecter les caractéristiques du tissu faubourien.
Le projet de la S.A.G.I., là aussi, impose a contrario des immeubles dont les façades présentent de nombreux effets inopportuns et une utilisation abusive et systématique des retraits.
Par son gabarit, le traitement de ses façades et la forme de sa toiture, le programme de la S.A.G.I. que vous envisagez ici est l’exemple même de ce que vous préconisez d’éviter dans les documents de présentation du Plan de protection et de mise en valeur du Faubourg Saint-Antoine.
Monsieur le Maire, nous vous le redisons : de grâce accordez vos violons ! Faites usage du sursis à statuer. L’article L. 123.5 du Code de l’urbanisme vous y incite compte tenu de la modification du P.O.S. que vous entreprenez. Vous avez l’outil juridique. Vous en êtes d’autant plus conscient que vous écrivez noir sur blanc dans un document en date du 11 avril 1996 que le périmètre d’étude vous permet de surseoir à statuer sur d’éventuels projets contradictoires, avec les objectifs poursuivis par le Plan de protection du Faubourg. C’est exactement le cas que nous abordons.
Il n’est que temps de réexaminer l’opération en concertation avec les associations riveraines pour la rendre compatible avec votre propre Plan de sauvegarde du Faubourg. Nous vous demandons de préserver le remarquable bâtiment du 2-4, rue Gobert, typique des immeubles d’angles faubouriens.
Des rumeurs ont fait état de votre disposition à préserver cet immeuble, mais également de la réticence de vos services.
Imposez-vous en l’inscrivant sur la liste des bâtiments à préserver. Protégez aussi, après une étude fine au cas par cas, la majeure partie des immeubles du 6 et 16, rue Richard-Lenoir…
(Protestations sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).
… dont les bâtiments retrouveront leur vocation d’habitat social après réhabilitation.
A défaut, nous ne saurions voter un permis de démolir qui concerne l’ensemble de ces bâtiments sans aucune distinction…
(Protestations sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).
Vous voulez faire du Faubourg- Saint-Anto ine le symbole du nouvel urbanisme parisien. En persévérant dans la démolition de ce secteur, vous discréditez votre plan et ruinez vos efforts de reconquête d’un corps électoral frondeur…
(Protestations sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).
M. LE MAIRE DE PARIS. – Un peu de silence…
M. Jean-François BLET. – Libre à vous. Vous serez en effet jugé sur vos actes.
Monsieur le Maire, le réexamen de cette opération est un préalable …
(Protestations sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).
M. LE MAIRE DE PARIS. – Avez-vous terminé ?
M. Jean-François BLET. – Non, mais j’ose espérer que vous m’avez entendu. Nous vous avons expliqué qu’il y a une contradiction majeure. Il vous appartient, Monsieur le Maire, d’apporter une solution à ce fâcheux dédoublement de votre personnalité.
M. LE MAIRE DE PARIS. – Merci.
La parole est à M. BLOCHE
M. Patrick BLOCHE. – Mon intervention, Monsieur le Maire, mes chers collègues, est principalement motivée par le fait qu’il nous est demandé d’autoriser M. le Maire de Paris à déposer un permis de démolir visant des bâtiments situés 10 et 16, rue Richard-Lenoir dans le 11e arrondissement de Paris.
Le Conseil du 11e arrondissement a émis un avis favorable sur ce projet de délibération sous réserve que les bâtiments F et G qui sont en bon état, soient préservés dans un but de réhabilitation.
Il est heureux que le projet initial qui s’inscrivait dans une logique de démolition-construction et qui prévoyait l’édification de bâtiments de 6 étages sur la totalité du terrain, soit aujourd’hui abandonné.
Il est vrai que la parcelle concernée qui est située à l’angle de la rue Gobert et de la rue Richard-Lenoir se trouve placée dans le périmètre sensible de modification du Plan d’occupation des sols visant le faubourg Saint-Antoine.
La prise en compte de l’environnement immédiat et notamment la présence du gymnase Japy face à cette parcelle amènent la Mairie du 11e arrondissement à plaider pour un projet qui s’insère harmonieusement dans le tissu urbain de ce quartier.
La concertation menée actuellement en préalable à l’enquête publique de modification du P.O.S. sera l’occasion, nous l’espérons, pour la Mairie de Paris de répondre rapidement à la demande de préservation de la cité ouvrière située 2-4, rue Gobert formulée par la Mairie du 11e arrondissement. Cette demande de conservation-réhabilitation correspond, en effet, à notre souhait de garder la nécessaire aération existant actuellement à ce niveau de la rue Richard-Lenoir. Ce qui signifie le maintien d’un bâtiment au 2-4, rue Gobert qui soit, comme actuellement, d’une hauteur comparable à celle du gymnase Japy en face.
En ce qui concerne l’aménagement global de cette parcelle, la Mairie du 11e arrondissement a, à plusieurs reprises, exprimé son souci que l’opération dite « Japy-Gobert » fasse l’objet d’un programme réfléchi respectant l’esprit du site, ce qui signifie qu’il soit d’une échelle raisonnable. Un concours d’architecture pourrait opportunément envisager la construction de logements sociaux au sein de l’immeuble de 4 étages maximum s’organisant autour d’un jardin intérieur. Pour répondre aux besoins sociaux du quartier, des ateliers-logements pour les artistes plasticiens ainsi que des locaux associatifs devraient être prévus.
Enfin, pour préserver une vie de quartier bien mise à mal actuellement dans ce secteur, des commerces sur rue pourraient être programmés dans cette opération d’aménagement.
Il faut donc que la concertation qui a déjà permis d’exclure de la démolition les immeubles situés 2-4, rue Gobert ainsi que les bâtiments F et G du 10, rue Richard-Lenoir, soit poursuivie rapidement et efficacement. Ceux qui vivent et travaillent dans ce quartier espèrent être les premiers bénéficiaires de cet urbanisme à visage humain dont on leur parle tant actuellement.