Prise en compte dans la Politique Culturelle des artistes « Sans lieu fixe »
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Madame la ministre, l’art est souvent éphémère. Il l’est d’autant plus lorsqu’il s’exprime en des lieux que l’on dit alternatifs et qui, sur un plan juridique, sont investis sans l’acquisition préalable d’un droit au bail. Je veux évoquer ce que l’on appelle communément les squats d’artistes – même si le terme est sans doute impropre – principalement créés à l’initiative de plasticiens, mais qui s’inscrivent le plus souvent dans une démarche pluridisciplinaire.
La culture s’installe ainsi dans la réalité urbaine, avec une dimension sociale qu’on ne saurait négliger. De nouvelles démarches artistiques sont expérimentées. La création, sous les formes les plus diverses, se confronte aux réactions d’un public souvent jeune. Des pistes nouvelles sont explorées hors de tout contexte marchand. A cette fin, des friches industrielles, des usines, des ateliers, des garages désaffectés sont réquisitionnés tout particulièrement là où la place de l’artiste dans la ville est contestée. Des immeubles vides, au statut institutionnel, font de plus en plus souvent l’objet de la même appropriation temporaire.
Si Paris est souvent évoqué, tout particulièrement lorsque les propriétaires retrouvent leurs droits, avec ce que l’on appelle communément le concours de la force publique, nous savons cependant qu’il s’agit d’un phénomène urbain, touchant en priorité les grandes métropoles. Les collectivités territoriales réagissent différemment lorsqu’elles sont interpellées : de la méfiance à la mise en place de baux précaires voire, pour les plus volontaires, à la prise en compte de cette dimension dans leur politique culturelle par la mobilisation opportune de leur patrimoine immobilier.
La culture de demain émerge souvent dans ces lieux alternatifs, non marchands et solidaires. C’est la raison pour laquelle, Madame la Ministre, je souhaiterais savoir comment la politique culturelle que vous conduisez prend en compte l’interpellation de ces artistes » sans lieu fixe « .
Mme la Présidente. La parole est à Mme la Ministre.
Mme la Ministre de la Culture et de la Communication. Voilà, Monsieur le Député, une question d’actualité, brûlante même à Paris, mais chaude aussi ailleurs.
Il est bien évident que la politique de création d’ateliers d’artistes menée par le Gouvernement et par de nombreuses collectivités locales est insuffisante au regard du nombre des jeunes artistes qui émergent dans notre pays. Elle n’est pas non plus adaptée à leurs souhaits d’un travail communautaire, car le plus souvent les réunit le désir de confronter leurs créations au lieu de s’enfermer dans un atelier personnel.
Je souhaite que nous donnions de plus en plus de moyens à la jeune création pour qu’elle puisse exprimer ses projets. Le nombre grandissant de squats d’artistes sur l’ensemble du territoire, plus particulièrement à Paris, témoigne de l’énergie collective mise en œuvre par des artistes désireux de développer leurs pratiques en équipe et de diffuser l’art contemporain auprès du plus large public possible. Il faut donc les considérer non comme des concurrents de nos grandes institutions, mais comme un plus, comme des espaces offerts à un autre type de rencontres.
A Paris, et dans les régions, des initiatives publiques et privées ont contribué à la création d’espaces ouverts aux artistes dans toutes les disciplines. Le ministère souhaite accompagner ces actions qui permettent à la création de s’exprimer dans sa diversité. Elles constituent aussi un moyen de renforcer les lieux culturels de proximité à l’image, par exemple, du centre d’art du Plateau, situé dans le 19 e arrondissement de Paris, centre qui, je le sais, vous est cher, monsieur le député.
Bien sûr, vous n’attendez pas de moi que je cautionne des occupations illégales de locaux. Cela dit, je constate avec plaisir que les artistes qui procèdent ainsi, hors la loi, ont en général le plus grand respect, – ils l’ont encore exprimé dans un cas récent – des bâtiments dans lesquels ils s’installent temporairement.
Nous devons encourager des actions de solidarité urbaine en proposant aux collectivités locales et à quelques grands propriétaires immobiliers de nouvelles modalités pour l’établissement de conventions d’occupation. La délégation aux arts plastiques y travaille à ma demande.