Sur la seconde édition de la Semaine nationale de la sécurité informatique
Question écrite
à Monsieur le Ministre
de l’Education nationale
sur la seconde édition de la Semaine nationale de la sécurité informatique
M. Patrick Bloche attire l’attention de M. le ministre de l’Education nationale sur la seconde édition de la Semaine Nationale de la sécurité informatique lancée le 6 juin 2006, dans le cadre du projet CONFIANCE, par la Délégation aux Usages de l’Internet (DUI).
Les objectifs poursuivis par cet évènement sont essentiels puisqu’ils visent à familiariser les internautes aux gestes simples et indispensables pour assurer la sécurité et la pérennité de leur système d’exploitation.
En revanche, il est fort regrettable que, sous couvert de prévention et de pédagogie autour de la sécurité informatique, cette campagne nationale soit l’occasion d’une opération commerciale d’envergure au profit de la société Microsoft, de surcroît sous l’égide du Ministère de l’Education nationale.
Ce sont en effet des centaines de milliers de documents pédagogiques (bandes dessinées à destination des enfants et des adultes, guides et autres plaquettes), où les logos et les marques de Microsoft sont omniprésents, qui ont été distribués dans les écoles. Et ce sont également quelques 150 « ambassadeurs sécurité », employés de Microsoft France, qui se sont déplacés dans les établissements scolaires, y compris dans les maternelles. Quant au site « protegetonordi », créé spécifiquement pour cette campagne, l’empreinte de Microsoft y est totale puisque les parents sont invités à utiliser des produits Microsoft, à s’abonner à MSN Premium ou encore à donner de l’argent de poche à leurs enfants pour qu’ils puissent se rendre sur MSN Music.
Alors que les qualités des logiciels libres en matière de sécurité informatique sont largement reconnues, aucune référence à leur utilisation n’est mentionnée. De nombreuses associations issues du monde du logiciel libre ont ainsi déploré cés pratiques et ont rappelé l’existence d’alternatives sécurisées au « tout-Microsoft ». A l’heure où le recours exclusif aux solutions propriétaires fait apparaître des risques sur les libertés individuelles et la souveraineté de 1’Etat, il est dommageable que soit ainsi fortement encouragé l’usage de solutions qui renforcent la dépendance vis-à-vis d’un unique éditeur de logiciels.
Il lui demande donc les raisons qui ont conduit le Ministère de l’Education nationale à devenir, pour cette occasion, un véritable promoteur de la société Microsoft, au risque de contrevenir aux principes les plus élémentaires de neutralité et de non-consumérisme de l’école de la République.
Réponse – La seconde édition de la semaine nationale de la sécurité informatique, lancée le 6 juin 2006, dans le cadre du projet confiance, par la délégation aux usages de l’internet (DUI) s’inscrit dans un ensemble cohérent d’actions de sensibilisation et de responsabilisation des usagers de l’internet, visant notamment la protection des mineurs. En effet, à l’heure de la généralisation des usages et au moment où «la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication» est devenue l’une des sept compétences constituant le «socle commun» des connaissances, l’institution éducative a le devoir à la fois de ne pas exposer les élèves mineurs qui lui sont confiés aux dangers et aux contenus préjudiciables d’internet, et de leur enseigner que l’usage de ces outils est régi par des règles qui permettent de protéger la propriété intellectuelle, les droits et libertés des citoyens et de se protéger soi-même. C’est pourquoi, dès le 26 février 2004 (circulaire parue au Bulletin officiel de l’éducation nationale), l’éducation nationale a mis en place un plan national systématique de protection des élèves qui s’articule autour de deux axes prioritaires : d’une part, une aide aux équipes éducatives, par la mise à disposition d’outils leur permettant de sélectionner ou de contrôler l’information mise à disposition des élèves, par exemple à partir de systèmes de filtrage (mise à disposition d’une «liste noire» nationale des sites délictueux), d’autre part, la mise en oeuvre d’actions de formation, de sensibilisation et de responsabilisation des élèves, des enseignants, des équipes éducatives et des parents aux spécificités de l’internet, notamment par la rédaction et la signature de chartes de bon usage de l’internet et des technologies en milieu scolaire. C’est pour aider les collèges et les écoles qui le souhaitent à mettre en oeuvre ce second volet du dispositif que la délégation aux usages de l’internet (DUI) a lancé, avec la société Calysto, le tour de France des collèges, puis le tour de France des écoles. Ces actions de sensibilisation, soutenues par des partenaires associatifs et privés, comme 1’UNAF, Apple, Google, Hewlett-Packard, Promusicfrance, la SACEM, Science et Vie junior, ou Wanadoo, ont pour seul objectif de sensibiliser les enseignants, les élèves et leurs parents aux dangers et aux risques de l’internet et de les inciter aux comportements éclairés et responsables qui s’imposent. Elles se déroulent dans le plus strict respect de la neutralité commerciale qui s’impose à l’école de la République. Dans le même esprit, mais pour sensibiliser le grand public, la DUI a lancé les semaines nationales de la sécurité informatique («l’internet plus sûr, ça s’apprend» en 2005 et «On se mobilise pour l’internet plus sûr» en 2006) avec des partenaires privés comme Microsoft, la Fédération bancaire française, Boulanger, Mindscape, Mon Quotidien, etc. Ces semaines nationales, qui touchent plusieurs millions de personnes, se bornent à faire connaître les risques de l’internet et à inviter les usagers aux comportements de prudence et de responsabilité qui peuvent les protéger (antivirus à jour, antispyware, pare-feu, contrôle parental…). Divers outils de sensibilisation (bandes dessinées pour les enfants et pour les adultes, «Incollables», guides de sécurité…) ont été distribués à ces occasions en très grand nombre par des partenaires de la grande distribution, des banques et des espaces publics numériques. Ce n’est qu’en tant que parents d’élèves qu’un certain nombre d’employés de la société Microsoft ont proposé d’intervenir dans les écoles de leurs enfants, en accord avec les équipes enseignantes concernées. Les outils de sensibilisation distribués aux élèves à cette occasion portaient les logos non pas d’un seul mais de tous les partenaires de l’opération, y compris ceux de la DUI et du projet confiance, en accord avec le « code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » régi par la circulaire n° 2001-053 du 28 mars 2001, qui stipule que «l’entreprise peut être autorisée à signaler son intervention comme partenaire dans les documents remis aux élèves… et faire apparaître discrètement sa marque sur ces documents». Cette signature de partenaires qui s’engagent aux côtés de l’État dans une campagne d’intérêt général ne contrevenait pas à l’esprit du code de bonne conduite et ne servait à faire la promotion d’aucune entreprise en particulier. De même le site « Protegetonordi.com », ouvert à l’occasion de la première semaine et maintenu depuis, est un site généraliste orienté sur la protection et la sécurité où les informations relatives à d’autres produits que ceux de Microsoft (Apple, Firefox…) ne sont pas absents. Le développement de la société de l’information est riche de multiples promesses qui ne seront tenues que si tous les acteurs qui concourent à ce développement agissent de manière responsable, usagers compris. C’est dans cet esprit qu’ont été conduites les semaines nationales de la sécurité. Quant aux promoteurs de l’usage des logiciels libres, ils seront à l’avenir invités, comme ils l’ont été par le passé, à se joindre à l’effort national d’information du public sur les questions de sécurité et de responsabilité liées au développement de la société de l’information.