Intervention de Patrick BLOCHE – rapporteur pour avis pour avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociale

Intervention de Patrick BLOCHE
rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales


Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher(e)s collègues,


Nous arrivons donc au terme d’une procédure parlementaire qui aura permis, au sein de notre Assemblée, de battre quelques records. L’ultime rapport de Jean-Pierre Michel livre, à cet égard, quelques statistiques éloquentes. A titre personnel, le jeune parlementaire que je suis ne pouvait rêver pareille épreuve initiatique.

A l’issue de cette année de débats, il n’est que temps, pour les législateurs que nous sommes, de restituer le Pacs à toutes celles et à tous ceux qui, au cœur de la société donc de la vie, l’ont espéré, l’ont conçu et l’ont porté. Qu’il me soit ainsi permis de saluer la détermination et la volonté des femmes et des hommes rassemblés au sein du Collectif pour le contrat d’union sociale et le pacte civil de solidarité. Je revois aussi, en cet instant, les visages de ceux qui, en nous quittant prématurément, ne pourront partager notre joie, celle du vote d’une belle loi républicaine.

Le Pacs aurait pu être la revendication tranquille d’une plus grande égalité des droits, il a finalement provoqué un de ces débats majeurs que la société française sait sécréter lorsque les libertés individuelles sont en jeu : liberté pour les femmes de disposer de leurs corps hier, liberté pour les couples homosexuels d’être reconnus comme tels aujourd’hui, et plus largement pour les couples non mariés de disposer de droits.

Un militant de la première heure, Jean Le Bitoux, situe ainsi toute la force du Pacs entre subversion et normalisation. Intervenant récemment dans la revue Ex Aequo, il précisait :  » D’un côté, le Pacs conteste fondamentalement l’ordre symbolique hétérosexuel, on ne se prive pas de nous le rappeler. Et cette radicalité est d’autant plus forte qu’elle ne concerne pas les seuls gays mais aussi les hétérosexuels : on se modernise ensemble. Mais d’un autre côté, on renforce ainsi un archétype social classique, le couple, bien loin de la circulation des désirs que nous prônions autrefois à la suite de Deleuze « . Dominique Fernandez, à sa manière, livre le même constat lorsqu’il termine son livre Le loup et le chien, un nouveau contrat social, par ces phrases :  » En dénonçant le Pacs comme une atteinte à la famille, à la société, aux valeurs , à l’Occident (car la peur du loup fait tout de suite monter le ton), ses adversaires n’ont même pas vu que leurs prétentions étaient contraires à leurs intérêts. Car réclamer le Pacs, c’est, de loup, demander à se faire un peu chien. C’est proposer un pacte de paix à la société « .

Si le Pacs apparaît aujourd’hui comme une évidence pour la grande majorité de nos concitoyens, si sa mise en œuvre est même parfois anticipée par les juges ou les notaires, je ne saurais oublier qu’il a déclenché la première grande manifestation homophobe dans notre pays. Comment n’avoir pas été choqué par l’intolérance, la haine et la violence exprimées à cette occasion. Il reviendra, je l’espère prochainement, au législateur de créer ou d’adapter le cadre juridique permettant de lutter efficacement contre toutes les manifestations d’homophobie.

Dans le même esprit, je souhaite que la suite du débat sur le projet de loi relatif à l’audiovisuel permette de maintenir la mission nouvelle donnée au CSA de sanctionner les contenus à caractère homophobe diffusés par les chaînes de télévision.

La gauche plurielle a voulu le Pacs afin d’inscrire dans le code civil les évolutions de notre société. Elle l’a fait comme Lionel Jospin s’y était engagé lors de la campagne des élections législatives de 1997.

La droite s’y est opposé avec une rare constance et les craquements en son sein, perceptibles à la fin de l’été, n’ont pas franchi les portes du Parlement puisque nous aurons à repousser à nouveau trois motions de procédure alors que nous sommes au stade de la lecture définitive.

Il s’agit maintenant d’aller vite dans la mise en application. Le Premier ministre en a exprimé le souhait, il y a une quinzaine de jours à Strasbourg, et vous venez de nous donner, Madame la Garde des Sceaux, une nouvelle fois la preuve de votre remarquable détermination.

Arrivés au terme de cette procédure, nous sommes évidemment toujours sollicités pour modifier tel article, corriger telle disposition ou intégrer au texte des préoccupations souvent légitimes mais extérieures à la démarche qui a été la nôtre lorsque nous avons rédigé cette proposition de loi. Redisons-le une dernière fois à cette tribune : le Pacs vise le couple et seulement le couple. Il ne concerne ni la famille, ni les enfants.

Dès la deuxième lecture, en cette enceinte, nous sommes arrivés à un équilibre qui a été confirmé en troisième lecture et qui le sera définitivement par notre vote de demain. L’essentiel réside dans la fixation d’un cadre juridique qui, comme d’autres, à l’usage, sera vraisemblablement amené à évoluer.

C’est sur cet usage que Jean-Pierre Michel et moi-même serons conduits désormais à porter nos efforts puisque Catherine Tasca a souhaité un suivi de l’application de cette loi. La commission des Lois et la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, qui ont déjà tant apporté au texte, notamment grâce à la compétence de ses administrateurs, poursuivront donc leur travail. L’initiative parlementaire qui est à l’origine du Pacs et qui a su s’incarner tant dans la force de conviction de Catherine Tasca que dans la salutaire obstination dont a fait preuve Jean-Pierre Michel depuis sept ans, ne trouve donc pas son terme aujourd’hui.

Mais, avant toute chose, il faut que vive le Pacs !