Budget de la Ville de Paris pour 1997 : Culture
M. Patrick BLOCHE. – Monsieur le Maire, chers collègues, » la culture sacrifiée « , telle est une des lectures que le groupe socialiste a faite sans difficulté du budget qui nous est proposé pour 1997.
Le sort fait aux crédits d’investissement est, à ce titre, proprement inacceptable : 20 % de baisse déjà en 1996, à nouveau 20 % en moins cette année. Leur montant a ainsi été divisé par deux par rapport à ce qu’il était en 1993. Conséquence de ce choix :
aucun nouvel équipement culturel n’est programmé cette année.
Ah, qu’il serait doux à nos oreilles d’entendre que la Ville de Paris s’endette pour les générations futures, par exemple :
– en donnant à Belleville et à l’Ouest parisien les deux bibliothèques qui font aujourd’hui tant défaut ;
– en portant un projet culturel ambitieux pour le devenir du 104, rue d’Aubervilliers dans le 19e ;
– en acquérant l’American Center, superbe équipement réalisé avec des fonds municipaux et actuellement fermé ;
– en exerçant le droit de préemption sur le » Berry-Zèbre » afin de rénover cette salle de cinéma de quartier et d’en faire un lieu ouvert sur les divers modes d’expression artistique ;
– en permettant à l’association » Terrain d’entente » qui gère les studios de répétition et d’enregistrement Campus-Bastille de disposer de locaux indispensables à la poursuite de ses activités si nécessaires à tant de musiciens parisiens ;
– en préservant le précieux maillage des petits et moyens théâtres qui jouent un rôle déterminant dans l’articulation entre la création et la diffusion et qui ont besoin d’un réel soutien pour entretenir et moderniser leurs équipements ;
– en palliant le manque cruel de lieux de travail et de répétition financièrement accessibles pour les compagnies théâtrales et chorégraphiques qui créent de moins en moins à Paris ;
– en accélérant le rythme de construction des ateliers et ateliers-logements afin de garantir aux artistes plasticiens leur place dans la Ville.
Mais j’arrête là la liste des besoins insatisfaits.
En effet, non seulement vous êtes contraint de gérer la pénurie, mais en plus vous la gérez mal tant le poids des habitudes et des anciennes reconnaissances est lourd. A ce rythme, je crains que l’élitisme flamboyant des années CHIRAC ne laisse bientôt la place qu’à la seule satisfaction sclérosante de quelques plaisirs petits-bourgeois.
(Protestations sur les bancs des groupes » Rassemblement pour Paris » et » Paris-Libertés « ).
Pas une seule trace d’imagination, en effet, dans l’examen des moyens de fonctionnement dont vous disposerez en 1997. La règle à calcul a fonctionné de manière impitoyable pour baisser uniformément d’environ 10 % les subventions attribuées aux théâtres qui bénéficient d’un soutien de la Ville. Alors que les programmations de la saison prochaine sont déjà bien avancées (j’ai l’exemple du théâtre de la Bastille à l’esprit), il fallait oser le faire et considérer ainsi les théâtres comme des entreprises n’ayant aucune contrainte particulière.
Le sous-chapitre » encouragements aux beaux-arts et sociétés culturelles » décroît de nouveau en 1997, soit une baisse de 4 % en deux ans. Ces restrictions budgétaires réduisent de fait les marges de manoeuvre permettant de soutenir financièrement les initiatives locales dans des quartiers où l’aspiration à la fête est grande.
L’A.D.A.C. voit sa subvention baisser de 10 % : la » Maison du geste et de l’image » perd 20 % de ses crédits. La subvention au Festival d’automne est réduite de 10 % mais, a contrario, celle à l’association » Paris événements « , qui a en charge de grandes manifestations bien encadrées et labellisées » Mairie de Paris « , progresse de 25 %.
Pour des raisons qui nous échappent, l’héritage culturel d’Alain JUPPÉ dans le 18e est consciencieusement liquidé : la ligne budgétaire consacre à » Espace acteur » déjà fortement réduite en 1996 disparaît cette année. La halle Saint-Pierre, lieu à la fréquentation croissante et à la programmation innovante et qui a su s’ouvrir aux associations culturelles du 18e voit ses crédits amputés de 25 %. Ces choix budgétaires à géométrie variable manquent de cohérence et surtout font peu de place à l’émergence des nouvelles forces de la création ou à la conquête de nouveaux publics.
Des pratiques culturelles aussi élémentaires que la lecture publique qui connaît un développement spectaculaire depuis vingt ans pâtissent de vos orientations. Les bibliothèques parisiennes sont des services publics de proximité qui ne bénéficient pas de moyens de fonctionnement suffisants pour faire face à une fréquentation croissante. Les statistiques publiées par le Ministère de la Culture montrent clairement que Paris est à la traîne du pays en ce domaine.
Au moment d’achever cette intervention, je souhaitais évoquer d’un mot le budget de la jeunesse et des sports pour déplorer – là aussi – vos choix. En premier lieu, l’aide aux mouvements de jeunesse connaît une baisse invraisemblable de près de 25 %. Par ailleurs, si la part de l’aide aux sports de haut niveau dans le total des subventions sportives passe de 55 % en 1996 à 57 % cette année, les subventions de fonctionnement aux Offices municipaux des sports chutent de nouveau de 10 % et celles aux associations sportives de 6,5 %. Enfin, dans le cadre des actions de prévention visant à faire de la pratique sportive un élément de l’intégration des jeunes, le crédit destiné à financer l’encadrement qu’assurent les associations sportives baisse de 10 % alors qu’il avait déjà été réduit de près de 20 % l’année dernière.
Non vraiment, qu’il s’agisse de culture, de jeunesse ou de sport, votre budget tourne le dos à l’avenir, à tout ce qui est porteur de création et de changement, à ce qui fait la richesse et l’originalité de Paris.
Je vous remercie.