Explication de vote au nom du groupe SRC – Projet de loi Hadopi 2
Monsieur le Président,
Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
Après le désaveu cinglant infligé au gouvernement par le Conseil constitutionnel, lors de sa censure historique du 10 juin dernier, on aurait pu espérer que vous en restiez là.
Or, il n’en a rien été, vous avez préféré récidiver et persévérer dans votre erreur. Sous pression élyséenne, Hadopi 2 a donc succédé à Hadopi 1. Et nous avons débattu, dans cet hémicycle jusqu’à la dernière seconde de la session extraordinaire du mois de juillet, d’une nouvelle usine à gaz, créant sur le plan juridique, un véritable régime d’exception.
Pour contourner la décision du Conseil constitutionnel qui a estimé que seule l’intervention du juge permettait de garantir la liberté d’expression et de communication, vous avez délibérément fait le choix d’une justice expéditive.
Nous contestons totalement le recours aux ordonnances pénales tant les droits de la défense y sont réduits à portion congrue mais aussi parce que cette procédure concernait jusqu’à présent la sanction d’infractions difficilement contestables, ce qui est tout le contraire lorsqu’il s’agit de téléchargements sur Internet.
Nous contestons vivement la modification soudaine du régime des ordonnances pénales, permettant ainsi au juge- en l’espèce seulement- de statuer en même temps au pénal et au civil.
Nous contestons fortement le fait que le juge sera pris en tenaille par la Hadopi, en amont, puisqu’elle constituera le dossier visant à l’incrimination; en aval, puisque -exception notable- elle fera exécuter les peines prononcées.
Nous contestons vigoureusement la création d’une sanction pour négligence caractérisée au seul motif de contourner la difficulté matérielle de prouver le délit de contrefaçon.
En recourant à nouveau à un dispositif qui permet de sanctionner un internaute qui n’est pas l’auteur du téléchargement contesté, vous violez de manière flagrante le principe selon lequel « Nul ne peut être puni que de son propre fait ».
Nous nous insurgeons enfin contre ce texte parce que nous considérons qu’il faut être irresponsable pour bloquer ainsi stérilement la nécessaire adaptation du droit d’auteur à la révolution Internet en cours. DADVSI en 2006, Hadopi 1 et 2 aujourd’hui ne sont, à cet égard, que des lois de retardement. Et durant tout ce temps perdu, les créateurs ne toucheront pas un euro de plus puisque vous avez constamment rejeté notre proposition de contribution créative . Là est le vrai scandale!
De plus, comme pour les tests ADN, seul l’effet d’annonce compte ! Vous vous préoccupez si peu de l’application des lois ou alors vous croyez si peu aux effets des dispositions que vous nous faites voter, qu’avant même l’adoption définitive d’Hadopi 2, vous avez lancé une mission confiée à un trio Zelnik-Cerutti-Toubon aussi exotique que masculin. Cherchez l’erreur ! En l’occurrence, elle saute aux yeux puisque vous avez, une nouvelle fois, écarté tout représentant des internautes et des consommateurs.
En ce qui nous concerne, nous considérons qu’en révolutionnant les modes de production et de diffusion, Internet permet d’atteindre ce qui est l’objectif central que vous avez visiblement oublié de toute politique culturelle : l’accès du plus grand nombre aux contenus du savoir, de la connaissance et des loisirs.
Nous voulons sortir de la logique actuelle perdant-perdant : perdant pour les internautes considérés comme des suspects en puissance ; perdant pour les artistes qui voient le temps passer, les lignes Maginot contournées les unes après les autres et aucune rémunération nouvelle émerger.
Nous avons l’ambition d’inventer un nouveau modèle de régulation assurant à l’offre culturelle les financements dont elle a besoin pour se développer.
A défaut, c’est la loi de la jungle assurée, qui permet déjà aux plus puissants de négocier, dans leur coin, des licences privées dont sont exclus les auteurs et les artistes. Or, c’est justement pour les protéger que le droit d’auteur a été créé.
En un mot, avec Hadopi 2 comme avec Hadopi 1, vous avez tout faux et c’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre ce projet de loi qui, le moment venu, fera l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel.