Projet de loi sur le Grand Paris

 

Lorsque le Président de la République, le 29 avril dernier, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, se découvrait un nouveau grand chantier, la construction d’un Grand Paris, il a souhaité convoquer les écrits de Victor Hugo, voulant poser les bases d’une ville de Paris qui, « étant l’héritière de Jérusalem, d’Athènes et de Rome, se devait d’incarner le vrai, le beau, le grand ».

Sept mois plus tard, qu’en est-il de ce grand projet ?

À cette heure tardive, je ne voudrais pas reprendre ce qui a été si bien dit par les élus de mon groupe et ceux du groupe GDR, mais pointer ce double contresens, cette régression fondamentale, ce retour en arrière que représente le projet de loi soumis aujourd’hui à notre discussion.

Contresens déjà, dans le cadre national qui est le nôtre depuis les grandes lois de décentralisation de 1982, que cette intervention de l’État pour reprendre la main, dans un déni démocratique, sans concertation préalable et véritable avec les élus. On cite Delouvrier, mais Delouvrier, c’est de Gaulle, et de Gaulle, c’est l’État jacobin, les trente Glorieuses, une croissance économique forte – sur des bases productivistes qui, avouons-le, ne s’embarrassaient pas à l’époque de préoccupations environnementales et encore moins de préoccupations sociales.

Mais nous sommes aujourd’hui en 2009, en pleine crise économique et sociale. François Pupponi rappelait à l’instant les événements qui se sont produits dans les banlieues voici trois ou quatre ans. Nous voyons bien que nous avons changé d’époque. Ce projet de loi n’en apparaît que plus décalé.

L’élu parisien que je suis aimerais soulever un autre contresens. Rappelons-nous que Paris n’a un maire que depuis 1977. Jusqu’alors, c’était un préfet qui gérait Paris. Les mairies d’arrondissement sont nées ensuite grâce à la loi PLM de 1982 mais il a fallu attendre l’élection de Bertrand Delanoë le 18 mars 2001 pour qu’enfin Paris sorte de son superbe isolement.

M. Jean-François Lamour. Paris libéré ! Vive Delanoë !

M. Patrick Bloche. Parfaitement, monsieur Lamour. Vous n’étiez pas encore élu de Paris, vous n’avez pas vécu cette rupture historique : jusqu’à la victoire de la gauche à Paris en 2001, on disait avec raison que Paris envoyait au-delà du périphérique ses pauvres, ses morts et ses déchets.

Oui, il y a bien eu une rupture historique en 2001. Patiemment, il a fallu rétablir des rapports de confiance, faire oublier le passé aux élus franciliens, aux habitants des départements d’Île-de-France. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de Jean Tibéri, encore élu parisien, siégeant toujours sur nos bancs. Souvenez-vous du jour où il prit cette folle décision, mais qui disait tout, de restreindre l’accès au périphérique extérieur pour tous les Franciliens qui devaient se rendre, souvent pour des raisons professionnelles, au cœur de la capitale. C’était l’exemple même d’un isolement honteux, d’un égoïsme inconcevable. La rupture s’est en effet produite en 2001. Il a fallu retisser des rapports de confiance, construire des partenariats avec des élus de droite comme de gauche, bâtir patiemment Paris Métropole en associant bien entendu la région Île-de-France. C’est cela qui est en cause aujourd’hui, cette patiente reconstruction d’un Paris qui noue avec les autres départements de la région des rapports d’égalité et de solidarité.

Je suis désolé, mes chers collègues, de vous avoir réveillés à une heure si tardive, mais dans le respect du délai qui m’est imparti, je voudrais vous dire que nous porterons tout au long de ces débats une vision d’un Grand Paris, s’il faut l’appeler ainsi, bien différente de celle de votre projet de loi, qui se résume à une ligne de métro automatique, pourvue de quarante nouvelles gares.

Bâtir un grand Paris, c’est vouloir corriger les injustices qui frappent notre territoire et aider chacun à trouver sa place dans une ville du 21e siècle. C’est également vouloir une métropole plus solidaire, plus agréable à vivre, et plus accueillante pour le monde. Une métropole qui connaît certes son passé, mais se tourne avec enthousiasme vers son avenir. Si un tel esprit nous porte, alors assurément nous pourrons faire du Grand Paris une ville-monde au service de tous ses habitants.