Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre – Explication de vote
Monsieur le président, nous arrivons paisiblement au terme de cette discussion. Séance de rattrapage, disait notre collègue Lionel Tardy ; certes, mais la faute à qui ? Deux propositions de loi aux dispositions identiques ont été déposées et, pourtant, elles n’ont pas la même signification. Pour la droite, il s’agit d’un acte de rédemption libérale. Pour la gauche, il s’agit d’un acte de régulation. C’est pour nous la confirmation ou la justification de notre opposition à la loi de modernisation de l’économie. Car nous sommes entrés dans le débat d’aujourd’hui avec un avantage, celui d’avoir voté contre cette loi, notamment contre son article 21.
Je ne reviendrai pas sur les termes de ce débat, qui a été l’occasion de rappeler que l’exception culturelle ne vaut que par la diversité. Le livre est un secteur très dynamique, dont le chiffre d’affaires est sans comparaison avec celui de l’édition musicale ou même avec le cinéma, mais c’est aussi un secteur fragile, qui demande à être régulé et protégé. Cette diversité se traduit aussi bien dans la variété des fonds, qui implique la possibilité de trouver près de chez soi le livre que l’on recherche, que dans la multiplicité des points de diffusion. À cet égard, permettez-moi de faire une référence très localiste : dans le XIe arrondissement de Paris dont je suis maire, je me réjouis de voir que des librairies se créent très régulièrement. Actuellement, il y en a 37 pour 153 000 habitants.
Aujourd’hui, il y a donc unanimité comme il y a eu unanimité en août 1981, lorsque nos prédécesseurs ont voté la loi sur le prix unique du livre, à laquelle nous avons rappelé les uns et les autres notre attachement. Sur ce sujet, je n’ai pas la même analyse que notre rapporteur sur ce qui se serait passé si Jacques Chirac avait été élu en 1981 car, en l’occurrence, pour François Mitterrand, il ne suffisait pas de dire, il fallait aussi faire. Et lorsqu’il y avait une volonté, il y avait un chemin.
Cette unanimité d’aujourd’hui ne saurait être pour le groupe SRC un appel à la facilité ou la marque d’une paresse intellectuelle par rapport aux enjeux de la numérisation. À l’initiative de Mme Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles, s’est tenue une passionnante table ronde à ce sujet et il faut bien avouer qu’au moment où nous parlons, nous ne savons encore rien de ce que seront les usages que nos concitoyens feront du livre dans les années à venir. En l’occurrence, il faut sans doute anticiper – c’est notre rôle – pour qu’il ne se passe pas pour le livre ce qui s’est passé pour la musique ou d’autres grandes industries culturelles, qui ont commis l’irréparable erreur de vouloir retarder trop longtemps les échéances.
Rappelons enfin que cette unanimité ne signifie pas que l’opposition donne son blanc-seing à la politique du livre menée par le ministère de la culture depuis plus de sept ans. En ce domaine, comment ne pas regretter la passivité du ministère de la culture ces sept dernières années ? Du fait de son laissez-faire et de son laissez-aller, nous avons assisté aussi bien dans le domaine de la distribution que dans le domaine de l’édition à des processus de concentration qui n’ont fait l’objet d’aucune régulation.
Il a été fait référence aux libraires mais aussi aux petits éditeurs. Certes, il est bien d’en parler, mais il est encore mieux d’agir pour assurer leur sauvegarde. Protéger les petits, dites-vous, monsieur le ministre, soit, mais avec quels moyens ? À ce propos, je voudrais dire combien la multiplicité du monde de l’édition doit à la vitalité d’éditeurs régionaux en faveur desquels les collectivités locales sont amenées à intervenir régulièrement. Qu’en sera-t-il demain lorsque celles-ci seront privées des moyens de les soutenir ?
Cela dit, le groupe socialiste, radical et citoyen votera cette proposition de loi qu’il a déposée.