Proposition de loi sur l’Urbanisme commercial – Discussion générale
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire d’État,
Monsieur le Président de la commission,
Monsieur le Rapporteur,
Qu’il me soit permis, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, de poursuivre l’échange que nous avons eu ici-même il y a peu, lorsque nous avons tiré collectivement le bilan de la mise en œuvre de la loi dite de modernisation de l’économie, promulguée il y a moins de deux ans.
Je centrerai tout particulièrement mon intervention sur la disposition qui avait relevé de 300 à 1 000 mètres carrés la surface commerciale requérant une autorisation d’implantation, en prévoyant l’intervention des élus au sein des CDAC, qui disparaîtront lorsque la présente proposition de loi sera votée.
Cette disposition de la loi LME, je pense, en tant qu’élu – je m’exprimerai comme élu d’un centre-ville urbain – que, sur tous les bancs de cet hémicycle, le bilan qui en a été tiré est négatif, car c’est une disposition « perdant-perdant ».
Ce sont tout d’abord les consommateurs qui ont été perdants. Le relèvement du seuil nous avait été présenté comme devant favoriser la concurrence entre les enseignes et donc, par une sorte d’effet mécanique, contribuer à diminuer les prix pour les consommateurs. L’expérience que j’en ai à Paris montre qu’un phénomène de concentration s’est au contraire produit ; aujourd’hui, deux grandes enseignes, Carrefour et Casino – pour ne pas les nommer – se partagent 80 % des surfaces commerciales de grande distribution à Paris. Parallèlement, puisque cette concurrence n’a pu se développer, les prix pour le consommateur, loin de baisser, ont augmenté.
De la même façon, avec cette disposition, les élus que nous sommes ont également été perdants. Avec la légitimité que nous donne le suffrage universel, nous tentons tant bien que mal de trouver les bons équilibres en termes d’aménagement urbain et de cheminer vers l’intérêt général. Or, en tant que maire, je suis très frappé de constater qu’au cours de ces deux dernières années je n’ai jamais été saisi d’une demande d’autorisation d’ouverture de supérette dans mon arrondissement, tout simplement parce que ces supérettes ont toutes une surface inférieure à 1 000 mètres carrés.
De ce fait, la bataille d’enseignes qui se livre dans les arrondissements centraux de Paris, notamment, a conduit à un développement anarchique, à des implantations partout, certains établissements ne respectant même pas la législation, y compris celle, chers collègues de la majorité, que vous avez votée concernant l’ouverture le dimanche et les jours fériés. Je ne parle pas de la précarisation de celles et ceux qui travaillent ces jours-là.
En l’occurrence, force est de constater que ce développement anarchique a des conséquences tout à fait funestes.
Les conséquences sont tout d’abord funestes sur la diversité commerciale, c’est-à-dire sur les efforts que nous faisons pour maintenir du commerce de proximité, notamment du commerce de bouche, en centre ville. Dans mon arrondissement, deux secteurs au moins sont touchés par la monoactivité, et la ville de Paris a été amenée à intervenir en capitalisant une société d’économie mixte pour préempter des fonds de commerce et réintroduire de la diversité commerciale dans ces secteurs. On voit qu’il y a une contradiction totale entre, d’une part, une implantation anarchique de supérettes et, d’autre part, les efforts que peuvent déployer les collectivités locales pour introduire de la diversité commerciale, notamment dans les quartiers touchés par la monoactivité.
Parallèlement, en termes d’aménagement urbain, je suis également très frappé – peut-être parce que je suis élu de l’arrondissement le plus dense de Paris – par l’implantation de supérettes dans des rues souvent étroites, perturbant gravement la vie de nos concitoyens, avec des livraisons qui bloquent les rues et provoquent des embouteillages, quand elles ne créent pas des nuisances sonores, tard dans la nuit ou tôt le matin.
Il m’apparaît donc souhaitable que nous profitions de l’examen de cette proposition de loi pour revenir de manière raisonnable au seuil de 300 mètres carrés, afin que les élus puissent jouer pleinement leur rôle de régulation. Je ne défendrai pas à cette tribune une position dogmatique visant à empêcher l’ouverture de surfaces commerciales dans l’arrondissement dont je suis le maire, mais il convient que nous jouions notre rôle de régulateurs, que nous puissions avoir des discussions préalables avec les porteurs de projets. À l’arrivée, notre seul pouvoir réside dans les autorisation de permis de construire, c’est-à-dire à un stade où il faut aller chercher dans le code de l’urbanisme les prétextes à un refus.
Il est souhaitable que nous introduisions de la régulation dans ce domaine. Nous pourrions ainsi utilement servir l’intérêt général.