Prix du livre numérique – 2ème lecture
Monsieur le président,
monsieur le ministre,
monsieur le rapporteur,
chers collègues,
à l’issue de cette discussion générale et parce que nous sommes en deuxième lecture, je ne vais pas revenir sur tous les enjeux de cette proposition de loi, qui a le grand mérite d’arriver au bon moment. Nous ne sommes pas, comme pour d’autres enjeux culturels face au bouleversement du numérique, dans une guerre de retardement. Nous ne sommes pas en train de construire une nouvelle ligne Maginot. De manière très dynamique, trente ans après l’élection de François Mitterrand et l’instauration du prix unique du livre, nous essayons d’appliquer celui-ci au livre homothétique.
Je retiendrai deux enjeux essentiels à nos yeux. D’abord cette proposition de loi doit profiter, au meilleur sens du terme, à toute la chaîne du livre. Cela a déjà été dit, j’y reviendrai pour mémoire. Sans auteur, pas de livre : cette assertion est d’une telle banalité qu’il nous semble indispensable de créer, dès aujourd’hui, le cadre législatif permettant de construire ce qui est, quoi qu’on en dise, un rapport de force entre auteurs et éditeurs.
Au demeurant, monsieur le ministre, vous avez vous-même acté avec regret l’échec des négociations qui, juste avant le Salon du livre, amenaient le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains à essayer de trouver les bases d’un accord qui permette une réelle redistribution de cette sorte de plus-value née de la réduction très importante des frais de distribution et de fabrication du livre occasionnée par le numérique.
Nous débattrons, à l’article 5 bis, de la nécessité absolue d’une rémunération juste et équitable. Vous avez, monsieur le ministre, évoqué le code de la propriété intellectuelle que nous avons l’ambition de modifier par le biais de trois amendements. Il nous semble en effet indispensable – c’est du reste notre responsabilité de législateur – de créer le cadre juridique pour permettre aux négociations d’aboutir.
Le second enjeu de cette proposition de loi tient évidemment aux articles 2 et 3, et au débat, très honorable d’ailleurs, sur l’extraterritorialité avec la controverse entre nos deux assemblées, qui va jusqu’à traverser l’Assemblée nationale, sur cette question : faut-il, oui ou non, faire jouer la clause de l’extraterritorialité ?
Pour notre part, nous pensons, au groupe SRC, que, plus que jamais, il faut mener la bataille à Bruxelles. Nous la perdrons peut-être, mais si nous ne la menons pas, quel regret aurons-nous de nous dire que nous avons perdu une bataille que nous n’avons pas conduite ! Quel risque courons-nous ? Au nom de la diversité culturelle, le Gouvernement français, sur d’autres dossiers – audiovisuel, cinéma – a su, à Bruxelles, affirmer des convictions qui ont pu être partagées ou non. En tout état de cause, les bagarres ont été conduites.
S’agissant particulièrement de l’article 3 – c’est moins vrai sur l’article 2, encore que les plateformes peuvent devenir des éditeurs surtout si pour elles, l’enjeu est de contourner la loi ! –, il est indispensable que nous ne gravions pas dans le marbre de la loi que les plateformes doivent être établies en France. J’ai écouté, avec toute l’attention voulue, l’intervention de qualité du rapporteur, qui n’était pas dépourvue d’ironie, notamment à l’égard de nos collègues de la Haute assemblée qui, à l’unanimité, se sont retrouvés sur une version différente de celle issue de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. La solution trouvée avec l’adoption d’un amendement visant à introduire un deuxième alinéa à l’article 3 nous semble insuffisante. L’article 3 est sans doute l’enjeu majeur de cette proposition de loi : il faut revenir à la version adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Nous aurons l’occasion, puisque nous allons voter un texte différent de celui issu de la Haute assemblée, de trancher cette controverse au sein d’une commission mixte paritaire. Nous verrons alors ce que sera la version finale de cette proposition de loi. Quoi qu’il en soit, c’est un beau débat et un bel enjeu. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif à atteindre, mais nous différons sur les moyens. En tout cas, notre groupe le dit avec force et conviction : la bataille de l’extraterritorialité mérite d’être conduite.